Le maire écologiste de Bordeaux Pierre Hurmic a annoncé ce mercredi le lancement de son plan pour végétaliser la ville, qui passera par « casser du bitume »
Une stratégie de « conquête végétale de la ville ». Le maire de Bordeaux Pierre Hurmic, et son adjoint à la nature Didier Jeanjean, ont annoncé ce mercredi le lancement de la démarche « Bordeaux Grandeur Nature » de la nouvelle majorité écologiste. L’objectif ? « Changer l’image extrêmement minérale de la ville de Bordeaux » dit Pierre Hurmic. Et pour cela, « il faut accepter que planter un arbre se fasse au détriment d’autres usages de la chaussée. »

Le maire de Bordeaux ne craint pas de « paraître impopulaire » pour mener à bien son ambition. Ainsi, il martèle qu’il faut « déminéraliser », « casser du bitume quitte à supprimer des places de stationnement. » Il considère « que l’impératif d’avoir un arbre devant chez soi est beaucoup plus important que de pouvoir garer systématiquement sa voiture devant sa porte d’entrée. » Interrogé sur les réactions que risque de susciter cette nouvelle sortie, Pierre Hurmic ne se démonte pas : « Les riverains et les habitants sont beaucoup moins attachés à la bagnole que certains élus. »

Petit tacle par-derrière à Juppé
S’il vise son opposition actuelle, il égratigne aussi au passage son prédécesseur Alain Juppé. « L’arbre ce n’est pas du mobilier urbain qu’un jour vous plantez et que l’autre vous déracinez, que vous tronçonnez sous prétexte qu’il masque une façade XVIIIe… Vous voyez à quoi je fais allusion. » En 2018, sous l’ère Juppé, Pierre Hurmic s’était en effet enchaîné, avec d’autres militants, aux marronniers de la place Gambetta avant qu’ils ne soient abattus dans le cadre du réaménagement de la place.

Derrière les petites phrases, le maire écologiste et son adjoint ont aussi déroulé leurs projets. « Ce n’est pas un inventaire à la Prévert consistant à dire qu’on va planter dix arbres ici et vingt-cinq là, prévient-il. Notre stratégie repose sur quatre axes. Il faut d’abord protéger, car les arbres c’est du patrimoine naturel, et Bordeaux ce n’est pas que du patrimoine architectural. Il faut aussi renouveler, il faut planter et il faut participer, c’est-à-dire que nous ne réussirons ce plan qu’avec les Bordelais. »

Pas de programme immobilier sur la Jallère
L’objectif est notamment de sanctuariser les espaces en friche et de réviser les grands projets d’urbanisation pour limiter l’artificialisation des sols. Didier Jeanjean annonce à ce propos que « les 45 hectares de la Jallère sont aujourd’hui sanctuarisés, et il n’y a plus de programme immobilier à cet endroit. Sur la ZAC Bastide-Niel nous avons réussi à faire passer les espaces perméables de 5 ha à 9 ha. »

Sans donner de chiffre, la nouvelle majorité assure qu’elle plantera davantage. Des arbres mais pas seulement ; il s’agit aussi de végétaliser des rues, le long des écoles, devant des habitations… Elle va aussi créer cinq miniforêts. « Une microforêt, c’est une forêt très dense avec plusieurs espèces, qui se stimulent pour pousser les unes avec les autres, explique Pierre Hurmic. C’est le Japonais Akira Miyawaki qui a inventé ce concept. On considère que ce sont des capteurs de CO2 phénoménaux, et on peut faire baisser la température ambiante d’un degré dans un rayon de 100 mètres, ce qui est déjà pas mal. Plus il y aura de microforêts urbaines moins il y aura de climatiseurs. » La première verra le jour sur la placette Billaudel.

« Pas des gadgets »
« Végétaliser davantage notre ville est indispensable, commente le groupe d’opposition Bordeaux Ensemble (LREM). Il manque toutefois de projets de plus grande ampleur traduisant un nouveau projet urbain de reconquête végétale (…) autour de la dalle de Mériadeck ou la place des Quinconces par exemple. » Pierre Hurmic défend pour sa part ses mesures, « qui ne sont pas des gadgets. »

« On n’en fait jamais assez, admet-il. Mais notre ambition est de faire en sorte qu’à la fin du mandat il n’y ait plus une seule Bordelaise et Bordelais à plus de dix minutes d’un espace vert. » L’édile souligne par ailleurs la difficulté à végétaliser, dans une ville si minérale.

« Place Saint-Projet par exemple, nous allons planter des arbres, mais dès que vous commencez à creuser il y a les fouilles archéologiques, et les réseaux à éviter. Pareil place Pey-Berland, qui est l’archétype d’un îlot de chaleur urbain que nous voulons éviter, explique l’écologiste. On ne peut pas changer les choses du jour au lendemain. »