L’OMS s’inquiète de la “très forte accélération du nombre de cas [de Covid-19] aux Etats-Unis”, alors que le pays n’a toujours pas pris de mesures de confinement au niveau national et que son sytème de santé fait craindre une explosion de l’épidémie.

Les Etats-Unis vont-ils bientôt être le premier foyer de coronavirus au monde? La progression de la maladie est si rapide qu’elle pourrait vite en faire le nouvel épicentre, devant l’Europe, a indiqué l’OMS mardi. Il suffit de s’attarder sur les courbes du nombre de cas et de morts pour s’apercevoir que le pays suit les traces des Etats les plus touchés avant lui. Mardi matin, les Etats-unis comptaient déjà 43.499 cas, un chiffre qui en fait le troisième Etat le plus contaminé, après la Chine et l’Italie, depuis le début de l’épidémie.

En trois semaines, le nombre de victimes a été multiplié par 100 : les Etats-Unis ont maintenant dépassé la barre des 600 morts. Rien que dans l’Etat de New York, plus de 20.000 cas (et 157 morts) ont déjà été recensés, autant qu’en France. “Nous constatons une très forte accélération du nombre de cas aux Etats-Unis”, s’est alarmée l’OMS mardi. Pendant ce temps, des mesures sont prises de façon inégale sur l’ensemble du territoire américain.

Un tiers du pays seulement est sous confinement

La Californie a été le premier Etat à demander à ses habitants de rester chez eux, jeudi dernier, suivi par l’Illinois et le New Jersey samedi. Dimanche, c’est l’Etat de New York qui a imposé des mesures de confinement strictes. Pour l’heure, une quinzaine d’Etats seulement ont demandé aux populations de se confiner. Dans d’autres Etats comme le Texas ou la Floride, des mesures ont été prises au niveau des comtés ou des municipalités, mais les gouverneurs n’ont pas jugé utile d’ordonner un confinement.

Désormais, certains en appellent donc à Donald Trump pour qu’une mesure soit prise au niveau national. “Il faut que ces mesures de confinement qu’ont prises New York et la Californie, soient partout” aux Etats-Unis, a réclamé le maire de New York, Bill de Blasio, dimanche. Avec le gouverneur Andrew Cuomo, ils réclament aussi que le gouvernement fédéral ordonne aux entreprises de fabriquer des respirateurs et des masques.

Mais Donald Trump rechigne pour le moment à prendre ces mesures, alors que son bilan repose en grande partie sur la bonne santé économique du pays.

Trump veut préserver son économie

“Nous ne pouvons laisser le remède être pire que le problème lui-même”, a-t-il tweeté lundi et mardi. Le président américain a même déclaré que les Etats-Unis allaient “très bientôt” se rouvrir au monde des affaires, “bien plus tôt que trois ou quatre mois comme quelqu’un le suggérait. Bien plus tôt”. Un optimiste qui inquiète, alors que “New York se rapproche de l’Italie”, selon Jerome Adams, administrateur fédéral de la santé publique.

Pour l’heure, le président américain semble plus concerné par le gigantesque plan de relance économique de 2.000 milliards de dollars discuté au Congrès, alors que la première économie mondiale est probablement déjà entrée en récession. “Plus cela prendra de temps, plus il sera difficile de redémarrer l’économie. Nos travailleurs vont souffrir”, a-t-il mis en garde mardi. Après avoir minimisé – et moqué – la menace sanitaire pendant des semaines, puis s’être posé en président rassembleur d’un pays “en guerre”, il multiplie désormais les messages ambigus.

Il en appelle notamment lors de ses points presse à la découverte d’un traitement qui “changerait la donne”. Ces derniers jours, il a fait la promotion de la chloroquine, même si aucune étude approfondie n’a prouvé son efficacité contre le Covid-19. Il a aussi refusé de demander conseil à ses prédécesseurs, comme eux-mêmes l’avaient fait lors de catastrophes naturelles.

Le système de santé est inadapté à la situation

“Je veux que l’Amérique comprenne : cette semaine, la situation va empirer”, a pourtant mis en garde Jerome Adams sur NBC. En plus de la légèreté des mesures prises par l’Etat fédéral, le coronavirus pourrait mettre en lumière la faiblesse du système de santé américain. Ces derniers jours, une des premières patientes américaines infectée par le virus a eu la désagréable surprise de recevoir une facture s’élevant à plus de 34.000 dollars (voir le tweet ci-dessous). En recherche d’emploi lorsque la maladie l’a touchée, elle n’était couverte par aucune assurance.

Le risque est donc que de nombreux malades refusent de se rendre chez le médecin pour être dépisté ou soigné, faute de moyens. Environ 27 millions de personnes ne sont pas assurées aux Etats-Unis et celles qui le sont s’exposent quand bien même à des frais pouvant atteindre plusieurs centaines, voire milliers de dollars.

Les Etats-Unis ont des résultats inférieurs à la moyenne des pays riches et de taille comparable pour presque toutes les mesures de préparation à une pandémie”, a expliqué Cynthia Cox, directrice du Peterson-Kaiser Health System Tracker, au site Vox. “L’épidémie de coronavirus met déjà en évidence l’inefficacité et les inégalités de notre système de santé, et il est probable qu’elle le mette encore plus à rude épreuve dans les semaines à venir“.

Les infrastructures américaines suscitent aussi la crainte. Avec 2,8 lits d’hôpital pour 1.000 habitants, les Etats-Unis en comptent deux fois moins que la France et se situent dans la fourchette basse des pays de l’OCDE. Les Etats-Unis comptent seulement 2,6 médecins pour 1.000 habitants, moins que la France (3,4), l’Espagne (3,9) ou l’Italie (4), qui connaissent pourtant des difficultés face à l’ampleur de l’épidémie.