Edouard Philippe, le Premier ministre, va détailler ce mardi à 15 heures son plan de déconfinement à compter du 11 mai

Les derniers arbitrages se feront ce lundi au sommet de l’État. Edouard Philippe, le Premier ministre, a annoncé qu’il présenterait ce mardi à 15 heures son plan de déconfinement depuis l’Assemblée nationale. Un événement très attendu depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé que les Français pourraient progressivement sortir de chez eux à partir du 11 mai, tout en continuant à se protéger du coronavirus.

A deux semaines de l’échéance, les questions restent nombreuses. Et c’est un vrai numéro d’équilibriste que doit préparer l’exécutif. Il s’agit de contenter des Français qui n’en peuvent plus de ne pas sortir, de ne pas se promener et de voir leurs revenus amputer par le confinement. Mais il faut aussi et surtout les protéger du virus qui a déjà causé la mort de plus de 20.000 personnes. Alors que le Conseil scientifique vient de livrer des recommandations très précises sur le déconfinement, 20 Minutes dresse la liste cinq des principaux défis qui attendent le gouvernement.

 

Fournir (enfin) des masques

Après avoir tergiversé sur le sujet, le gouvernement a fini par convenir que le port du masque était indispensable pour éviter la propagation du virus. Maintenant, il ne reste plus qu’à s’en procurer… Olivier Véran, le ministre de la Santé, a reconnu, dans Paris-Match, que 30 millions d’unités françaises étaient « en souffrance » dans les usines chinoises (à la date du 23 avril). Mais que l’objectif restait toujours d’équiper les Français à partir du 4 mai… Notamment via les pharmacies qui ont désormais le droit d’en vendre.

Certains n’y croient plus… A l’instar de Valérie Pécresse, présidente (Libres !) de la région Île-de-France et de l’autorité organisatrice des transports. « Comme l’État ne semble pas prêt à en distribuer (…) nous avons commandé deux millions de masques en tissu pour les abonnés Navigo », a-t-elle ainsi taclé dans Le Parisien.

De quoi satisfaire le Conseil scientifique qui estime que le port du masque doit être « systématique » dans tous les lieux publics dans les mois suivant le confinement. Y compris s’il s’agit de productions « artisanales », comme les masques en tissu. De quoi susciter de nouvelles vocations de couturiers. A condition qu’ils sachent respecter les normes Afnor. Lancé par le CHU de Lille, le masque « Garridou » a, par exemple, été jugé « non-conforme » pour un problème de … respirabilité. En réaction, Martine Aubry, la maire (PS) de la capitale des Flandres, a promis qu’une deuxième version « plus respirante » allait « bientôt sortir » pour y remédier.

Sécuriser les écoles ou renoncer à leur réouverture

« Le conseil conseille ! Le gouvernement gouverne ! » Médecin et membre du Conseil scientifique, Pierre-Louis Druais a trouvé la formule qui lui permet d’éviter de polémiquer. Samedi, dans un avis très complet de 42 pages, le Conseil scientifique a en effet « pris acte » de la « décision politique » du gouvernement de rouvrir les écoles à partir du 11 mai. Pas besoin de savoir lire entre les lignes pour comprendre que les experts étaient contre cette idée. « La reprise des écoles va amener des mouvements de population importants avec des jeunes pour qui les gestes barrières sont d’une grande complexité », reconnaît le médecin auprès de 20 Minutes. Le risque ? Que le virus fasse une seconde vague de contaminés…

Pour éviter cela, le Conseil scientifique a donc gratifié le gouvernement d’une longue série de préconisations. Que les classes ne se croisent pas dans les couloirs. Que les repas soient pris dans les salles de cours et non pas à la cantine. Que les plus grands portent des masques… « Je n’y crois pas, assure avec bon sens Gwen, infirmière à l’hôpital Paul-d’Egine de Champigny-sur-Marne (Seine-et-Marne). Les enfants ne se sont pas vus depuis des semaines. Ils vont avoir envie de jouer avec leurs copains, de se faire des câlins… »

Chef des urgences de l’hôpital Georges Pompidou et maire (LR) de la Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), Philippe Juvin n’y croit pas non plus. « J’ai passé la matinée à lire cet avis de 42 pages, explique-t-il. Mon sentiment, c’est que le Conseil scientifique a mis toutes les conditions pour faire comprendre que ce n’est pas possible de rouvrir les écoles le 11 mai. Le courage politique, c’est aussi de faire marche arrière. Il faut qu’Edouard Philippe revienne sur ce projet ! »

Convaincre les Français d’utiliser l’application Stop-Covid
En visite ce samedi dans un laboratoire de tests de Seine-Saint-Denis – son premier déplacement depuis un mois – Olivier Véran a réaffirmé son souhait de pouvoir réaliser « 500 à 700.000 tests par semaine » contre un peu plus de 50.000 à l’heure actuelle. Les biologistes sont sceptiques sur les moyens de parvenir à cet objectif mais le ministre continue de penser qu’il faut tester toutes les personnes présentant des symptômes et toutes celles ayant été en contact avec des cas confirmés de coronavirus.

Encore faut-il que les Français acceptent de télécharger et d’utiliser la future application de traçage Stop-Covid pour cela. C’est grâce à ce système que le gouvernement entend isoler les porteurs du virus, à partir du 11 mai. « C’est un défi car il y a encore plusieurs problèmes techniques à résoudre, a admis Cédric O, le secrétaire d’État au Numérique dans une interview au Journal du dimanche. Nous ne ferons aucun compromis sur la sécurité. »

Il le faut s’il souhaite convaincre que son programme est bien « anonyme » et que l’État n’aura jamais accès aux données des utilisateurs. Garant des libertés numériques, la Cnil a justement réclamé, ce dimanche, des « garanties supplémentaires » ​et entend « pouvoir se prononcer » encore après la tenue d’un débat sur le sujet prévu, mardi, au Parlement.

Rassurer les soignants et trouver du matériel

Des semaines après, les applaudissements pour les soignants, tous les soirs à 20 heures, n’ont pas faibli. Mais ils préféreraient un peu de repos et plus de matériel. Pour réussir le déconfinement, l’exécutif va aussi devoir rassurer un personnel soignant à bout de nerfs. « On s’attend à prendre une deuxième vague fin mai, début juin, confie Cathy, infirmière en région parisienne. Il suffit de voir… Il y a déjà plus de monde sur la route. Les gens se relâchent déjà… »

Le virus guette. Et le matériel vient à manquer. Philippe Juvin confie que ses équipes en sont réduites à laver des surblouses normalement destinées à un usage unique. « Nous manquons à nouveau de masques et de médicaments. Il faut que le gouvernement fasse quelque chose parce que sinon on va avoir du mal à s’en sortir… »
Car les services de réanimation ne pourront pas tout absorber. Certains lits ont été libérés. Mais si la seconde vague de malades est plus importante que prévu, les hôpitaux ne pourront peut-être pas accueillir tout le monde. « Nous savons qu’il va y avoir un second pic, confirme Pierre-Louis Druais, membre du Conseil scientifique. Pour l’absorber, il faut absolument qu’on parvienne encore à libérer des lits de réanimation… Environ 2.000 selon moi… »
Donner aux petits commerçants les moyens de reprendre

Chloé* décolle les flyers annonçant les réductions sur sa devanture. Ils sont devenus obsolètes en l’espace de six semaines. Gérante d’une boutique de manucure en région parisienne, elle tente, tant bien que mal, de se préparer à rouvrir le 11 mai prochain. « Pour l’instant, on n’a aucune info, lâche-t-elle. J’ai commandé des vitres en plexiglas pour protéger mes techniciennes et les clientes. Mais je ne sais même pas si c’est suffisant. On navigue en plein flou… »

Le gouvernement n’a pas dit grand-chose pour le moment sur la capacité de reprise des artisans et commerçants, très affectés par la crise sanitaire. Dans son avis publié samedi, le Conseil scientifique a simplement expliqué que l’objectif était de « reprendre progressivement une activité présentielle ne concernant si possible que la moitié des travailleurs. »
« Le problème se pose surtout dans les boutiques où les gens vont toucher des produits, les laisser, les reprendre, explique Pierre-Louis Druais. En fait, cela va vraiment dépendre du type de commerce… » Au gouvernement de préciser les choses. « Les commerçants sont dans les starting-blocks, assure Francis Palombi, directeur de la Confédération des commerçants de France, sur Europe 1. Mais il faut que les règles du jeu soient bien avancées… »

(20minutes)