Aux Etats-Unis, une partie de la presse explore l’hypothèse d’une pandémie de Covid-19 issue d’un accident dans un laboratoire de Wuhan, berceau du coronavirus. A cette piste se greffent des considérations géopolitiques mettant aux prises Américains et Chinois devant le reste du monde.

L’hypothèse a germé dans la presse américaine ces derniers jours et ne cesse d’enfler, au point d’occuper aujourd’hui les chancelleries et d’enflammer les rapports diplomatiques. Et si le Covid-19 qu’on croyait jusqu’ici issu du marché de Wuhan en Chine s’était en fait propagé à partir d’un accident dans un laboratoire de cette même ville, où l’on étudie le coronavirus des chauve-souris? D’après cette version, c’est l’un des membres du laboratoire qui aurait été contaminé en premier lieu avant d’exporter le mal à l’extérieur des murs hébergeant ces expérimentations.

Investigations américaines
Sur Fox News, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a déclaré ce vendredi: “Nous menons une enquête exhaustive sur tout ce que nous pouvons apprendre sur la façon dont ce virus s’est propagé, a contaminé le monde et a provoqué une telle tragédie”.

Sur notre antenne, notre correspondant aux Etats-Unis, Jean-Bernard Cadier, a fait la synthèse ce vendredi de l’émergence de cette théorie:
C’est venu de la presse et d’un certain nombre de parlementaires américains qui révèlent une information que visiblement les gouvernements occidentaux connaissaient depuis des années. Il y a dans la ville de Wuhan un ou plusieurs laboratoires qui travaillent sur le coronavirus des chauves-souris, ce qui bien sûr suscite un soupçon. Est-ce que l’épidémie ne serait pas partie de ce laboratoire, et non pas du fameux marché comme le dit le gouvernement chinois ? Un tiers des premières personnes infectées dans la ville n’étaient jamais allées à ce marché.”

Deux ans en amont, des diplomates américains ont d’ailleurs averti du danger a repris notre journaliste: “Mardi, le Washington Post a révélé que des diplomates américains étaient allés dans ce laboratoire avant la crise et qu’ils avaient fait un rapport disant que les conditions de sécurité y étaient particulièrement mauvaises.”

Bras de fer
C’est bien la piste accidentelle qui est à ce stade privilégiée par les renseignements américains. Mais celle-ci non plus ne disculpe pas le Parti communiste chinois et les cadres du gouvernement: “Il n’en reste pas moins qu’il y a une question de transparence : quel a été le rôle du gouvernement chinois ? Que savait-il ?” s’est ainsi interrogé Jean-Bernard Cadier qui a enchaîné: “Les laboratoires de Wuhan ont été fondés avec des fonds canadiens, américains et français. Quels sont les laboratoires qui ont été financés par les Occidentaux et que savaient les gouvernements de ces pays ?”

A côté du Washington Post, des médias bienveillants à l’égard de Donald Trump ont embrayé, au premier rang desquels Fox News qui assure que des “sources” pensent que la pandémie mondiale, qui a déjà tué 140.000 personnes, est bien sortie du laboratoire de Wuhan.

Et tandis qu’experts et populations, et probablement dirigeants, se débattent au milieu d’un essaim d’incertitudes levé par le fléau, l’affaire prend un tour très politique, ou plutôt géopolitique. Notre éditorialiste spécialiste des questions internationales, Ulysse Gosset, a ainsi affirmé ce vendredi sur notre chaîne:
Il y a une bataille de propagande mondiale qui se joue essentiellement entre les Etats-Unis et la Chine et d’ailleurs il faut préciser pour être complet que la chercheuse de ce laboratoire dont on parle, de ce fameux laboratoire P4 franco-chinois a démenti catégoriquement les informations selon lesquelles il aurait y avoir un accident, une fuite.”

Il a ajouté: “Ça tourne à la bataille géopolitique. C’est vrai que du côté de Donald Trump, très critiqué pour sa gestion de la crise, il y a un enjeu considérable.”

Des “questions difficiles” pour la Chine
L’enjeu n’est pas moins considérable pour le versant chinois. Jeudi, le ministre des Affaires étrangères britanniques, Dominic Raab,a posé qu’après le cataclysme la Chine devrait répondre à des “questions difficiles”. Plus pondéré encore, Emmanuel Macron n’a pas dit autre chose le même jour dans un entretien accordé au Financial Times: “À l’évidence, des choses se sont passées là-bas dont nous n’avons pas connaissance”.

Revenant sur cette interview, l’Elysée a cependant tenu à préciser a posteriori: “Il n’existe à ce jour aucun élément factuel permettant de corroborer les informations qui ont récemment circulé dans la presse états-unienne établissant un lien entre l’origine du Covid-19 et les travaux du laboratoire P4 de Wuhan en Chine.” Le “Château” prolonge: “Il faudra quand même avoir des informations transparentes sur l’origine du virus. L’expertise scientifique doit avoir lieu sur le plan international.”