Grâce aux réseaux sociaux et aux applications, on garde le contact de continent à continent en partageant conseils et nouvelles avant de pouvoir se revoir. Mais quand ?

Bénis soient WhatsApp, Messenger, Viber et Skype ! A l’heure où le coronavirus prend pied sur le continent africain, ces applications gratuites permettent à la diaspora confinée en France de garder un lien vital avec les familles restées au pays.

Ainsi, chaque jour, Nidhal appelle via Messenger ses beaux-parents enfermés dans leur maison, dans un village non loin de Sousse, en Tunisie. Depuis l’autre côté de la Méditérranée, le jeune quadra sent monter leur frayeur du coronavirus. « Ils vivent hyper mal toute cette histoire », explique cet homme sans travail qui habite Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Alors Nidhal ne les lâche pas, leur rabâchant les consignes de sécurité, les gestes barrières, les bombardant de questions pour savoir « comment ça se passe ? » et s’ils n’ont aucun symptôme.

Le Franco-Tunisien leur rappelle aussi de bien rester chez eux et de ne pas sortir, mais là, les choses se compliquent. « Une de leurs filles habite à côté et mon beau-père, qui a plus de 65 ans, ne peut pas la laisser sur le palier de la porte. Pourtant, je n’arrête pas de répéter que c’est une mauvaise idée de la voir », souffle-t-il.

Pour les désangoisser à distance, « je leur dis qu’ils ont de la chance, qu’ils habitent une maison, alors que moi je vis dans un appartement de 75 m2 sans balcon avec ma femme et mes deux enfants », explique Nidhal, qui leur envoie aussi des vidéos rigolotes pour leur remonter le moral et, « heureusement, il y en a des tas ».

Mosquées fermées

Même si le confinement est en théorie total en Tunisie depuis le 22 mars, ses beaux-parents n’arrêtent pas de lui répéter qu’« il n’y a pas de moyens » et qu’ils devront se débrouiller comme ils peuvent. « Ils ont peur, reconnaît Nidhal, ils me racontent que l’économie est déjà à genoux depuis le Printemps arabe de 2011 et que les gens vont devoir continuer à aller travailler pour survivre ».

Le plus difficile aussi pour son beau-père, c’est de ne plus se rendre à la mosquée : il en a « pleuré ». Même malade, il avait l’habitude de s’y rendre « avec sa canne » pour prier. « Ça va être un énorme problème, avoue Salah, un Franco-Sénégalais de 32 ans. Oui, les grandes mosquées ont fermé, mais que dire des petites salles de prière des quartiers ? Moi, je ne vois pas les gens ne pas y aller. Ça va être incontrôlable, ils vont tous s’entasser dedans. »

Ce journaliste craint que l’état sanitaire ne se dégrade à une vitesse vertigineuse dans son pays d’origine où une grande partie de sa famille vit encore.

Ce Parisien joint régulièrement ses cousins, leur laissant une petite note vocale sur WhatsApp. « Vous vous lavez bien les mains ? Vous avez arrêté de vous les serrer ? », leur dit-il. « Et là, ils me répondent que si quelqu’un te donne la main, tu ne vas pas la refuser, rit-il d’étonnement. Quand je leur parle, j’ai l’impression qu’ils sont un peu loin, qu’ils n’ont pas percuté. » Salah ne sent pas de peur chez ses proches qui habitent le quartier de la Medina, à Dakar « parce qu’ils me disent qu’ils ont pu gérer Ebola. Ils font des rapprochements bizarres », regrette-t-il.