La Nouvelle-Aquitaine, la région qui jusqu’ici était la moins touchée de France par l’épidémie due au coronavirus, est en train de rattraper son retard.

Comme l’ensemble du corps médical, Daniel Habold, directeur de la santé publique de l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, s’attendait à ce que ce retard, qui offrait encore un peu de répit à l’organisation hospitalière, soit de courte durée. « La pression quantitative et qualitative commence à monter sur la Nouvelle-Aquitaine », a-t-il déclaré, vendredi, lors d’une conférence de presse.

Samedi 21 mars, la Gironde a dépassé le Lot-et-Garonne, département jusqu’alors le plus touché de la région, avec désormais 73 cas, portant à 501 le nombre de personnes contaminées dans la région.

Des mesures supplémentaires ont été prises par le maire Les Républicains de Bordeaux, Nicolas Florian, et la préfète de Nouvelle-Aquitaine, Fabienne Buccio, pour tenter d’imposer le confinement aux Bordelais, encore nombreux en début de semaine sur les quais de Garonne, et les plages du littoral.

Jeudi 19, la préfète a signé un arrêté interdisant les déplacements sur les plages du littoral et les plans d’eau intérieurs tandis que le maire de Bordeaux a décidé de fermer les quais à la circulation, tout comme le traditionnel marché dominical des Chartrons, qui se tient habituellement à cet endroit.

Plusieurs marchés en plein air ont également fermé à la demande de certains maires, comme à Libourne, Carcans, Lesparre-Médoc, Coutras, Pauillac et Sainte-Foy-la-Grande. Un choix fait en toute autonomie, qu’a déploré Fabienne Buccio. « Je ne condamne pas les maires qui l’ont fait en tentant d’éviter les lieux de rassemblements, mais il faut maintenir un juste équilibre entre le respect des activités et le confinement. Les marchés de plein air présentent moins de risques que l’hypermarché de proximité. »

Un « fonds d’urgence » pour les sans-abri

Mais si les rues de Bordeaux se sont quelque peu vidées des récalcitrants qui tentent de contrer le confinement, les sans-abri doivent toujours y survivre. La préfecture et la ville ont mis en place plusieurs mesures pour leur venir en aide, comme le « fonds d’urgence alimentaire Covid-19 » de 100 000 euros pour les publics à la rue. De surcroît, un premier « centre de desserrement » qui a la vocation d’accueillir des personnes sans domicile atteintes par le coronavirus a ouvert ses portes à Bordeaux le 20 mars.

Si douze places sont pour l’heure prêtes, la direction de la cohésion sociale a également identifié 146 places potentielles sur l’ensemble de la région. L’objectif de ces centres d’accueil : mettre à l’abri et confiner les personnes à la rue diagnostiquées, qui ne nécessitent pas d’hospitalisation.

Comme c’est désormais le cas dans l’ensemble des régions de France, la Nouvelle-Aquitaine ne réalise plus de tests pour les cas potentiels, mais les réserve aux personnes hospitalisées, au personnel médical et aux Ehpad.

Les hôpitaux néo-aquitains continuent de s’organiser, comme à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux, qui a installé un poste médical avancé à l’entrée des urgences pour sélectionner et isoler les personnes infectées. Six premiers patients atteints du coronavirus à Mulhouse sont arrivés à bord d’un avion militaire médicalisé au CHU bordelais samedi soir ; deux patients ont été dirigés vers l’hôpital Saint-André, les quatre autres vers Pellegrin, deux sites du CHU de Bordeaux, afin de venir en aide au service des urgences de la ville du Haut-Rhin, en attendant la mise en place d’un hôpital de campagne qui permettra de soutenir les urgences saturées.

« Nous prenons tous les jours des risques pour notre santé », explique SOS Médecins
Mais comme partout en France, le corps médical dénonce un manque de matériel criant, en particulier de masques de protection. Car si l’ARS a déclaré que 1 million de masques avaient été livrés cette semaine aux pharmacies de la région pour les professionnels de santé, certains déplorent encore la pénurie à laquelle ils doivent faire face.

Comme l’antenne SOS Médecins de Bordeaux, qui a lancé le 20 mars un appel auprès des entreprises privées, secteurs publics et particuliers. Situé en face du CHU de Bordeaux, le cabinet regrette que l’Etat ne les livre pas, malgré leurs appels à l’aide et leurs besoins cruciaux.

« Nous prenons tous les jours des risques pour notre santé », explique l’association de médecins. «Nous avons moins de monde en consultation du fait du confinement », ajoutent ceux qui se préparent à « un afflux de malades dans les jours à venir ». Les cabinets de médecins de Bordeaux, qui recevaient encore des patients en début de semaine, anticipent également. Certains ont décidé de ne plus recevoir de patients, mais de proposer des téléconsultations « lorsque le patient souffre de symptômes évocateurs de Covid-19 modérés », explique l’ARS.