Deux femmes. Deux femmes noires. Cela ne devrait être qu’un détail, ça n’en est évidemment pas un. L’une a été la première “First Lady” noire de l’histoire des Etats-Unis, la seconde deviendra peut-être, le 3 novembre prochain, la première femme et la première noire vice-présidente. Leur point commun, à part la couleur de leur peau? Michelle Obama et Kamala Harris constituent un duo de choc pour épauler Joe Biden dans sa conquête de la Maison-Blanche, et au-delà. La première s’est ainsi lancée dans un réquisitoire enflammé contre Donald Trump lors de l’ouverture de la convention démocrate lundi, arguant qu’il n’était “pas le bon président” pour les Etats-Unis. “Nous méritons beaucoup mieux!”, a quant à elle lancé la seconde, officiellement investie mercredi comme colistière de Joe Biden, appelant à battre l’actuel président des Etats-Unis.

Qui aurait pu imaginer que deux femmes de premier plan, dans la campagne de 2020, seraient noires? L’évolution est tellement extraordinaire qu’il faut revenir un peu en arrière, en 2008, pour mesurer le chemin parcouru. Lors de la première campagne de Barack Obama, son épouse avait vite été décrite comme une “femme noire en colère”, un cliché suintant le racisme qui “colle” immanquablement aux noires engagées dans la vie publique: la “Angry Black woman”, par définition, est dominée par ses émotions, ses opinions ne sont pas à prendre au sérieux. Sonnée, Michelle avait dû se réinventer une personnalité, mi-mère de famille centrée sur ses enfants, mi-“First Lady” occupée à tout sauf à la politique. En un tour de main de génie, elle est ensuite parvenue à échapper à cette image carte postale pour imposer une identité bien à elle, forte, brillante, empathique.

Un atout de poids

Huit ans plus tard, Kamala Harris n’a pas dû passer par un tel parcours du combattant, et ce n’est pas pour rien qu’elle à remercié toutes les femmes ayant pavé le chemin de sa candidature. Cela n’a pas empêché Trump et les Républicains de recourir aux vieilles insultes: elle est “extraordinairement méchante”, “tellement en colère”, a accusé le Président, tandis que sa campagne envoyait un email aux donateurs dénonçant “la plus méchante” des candidates. La différence est que cela ne marche plus. Harris n’a rien à réinventer, rien à atténuer. Elle est elle-même et l’Amérique l’accepte comme telle.

Comment cela peut-il aider Joe Biden? Vis-à-vis des Noirs, les deux femmes ont des parcours très différents. Michelle a été la caution afro-américaine d’un candidat Obama élevé par une mère blanche et fils d’un Kényan, dont la communauté noire se méfiait un peu au début. Fille d’immigrants et biraciale, Kamala aurait pu faire face aux mêmes réserves, mais elle a embrassé son identité noire en choisissant d’étudier à Howard University, la fac d’élite des Noirs, où elle a rejoint la première confrérie noire de l’histoire universitaire américaine, Alpha Kappa Alpha. Au-delà ces deux itinéraires bien différents, Michelle Obama a souligné la continuité en saluant la nomination de Harris: elle est un pied-de-nez à ce monde où “il y a toujours quelqu’un pour vous dire que vous n’êtes pas qualifiée”.

Populaires, chaleureuses, charismatiques, ces deux femmes seront un atout de poids pour Joe Biden, qui ne s’y est pas trompé. Il a choisi Kamala Harris, mais en avril dernier, il confiait: si Michelle était intéressée par le job de “VP”, il la choisirait “sans une seconde d’hésitation”.