Depuis le début du confinement (et même un peu avant), les musées, comme l’ensemble des lieux culturels, sont fermés. Mais nombreux sont ceux qui poursuivent leur activité, d’une autre manière. C’est désormais en ligne qu’il faut attirer le public.

Continuer de se cultiver tout en restant à la maison. C’est le défi auquel font face les musées actuellement. Comme l’ensemble des lieux culturels, leurs portes sont fermées, pour une durée toujours indéterminée. Pourtant, ils sont nombreux à bénéficier depuis longtemps d’importantes ressources en ligne, souvent méconnues du grand public. Aujourd’hui, elles sont mises en avant, notamment sur les réseaux sociaux et certains musées, privés d’expositions, ont décidé de les faire vivre, en ligne.

Les réseaux sociaux, comme premier contact

C’était l’une des expositions très attendues de cette année au Grand Palais. “Pompéi” devait être présentée ce mercredi et permettre aux visiteurs et visiteuses de “plonger au coeur de Pompéi, du temps de sa splendeur et pendant la tragédie de sa destruction”. Une visite “immersive” grâce à des projections en très haute définition et des reconstitutions en 3D.

À la place, le musée propose aux internautes de découvrir une partie des contenus de l’exposition de chez eux : grâce à quatre vidéos, le public peut découvrir de nouvelles fouilles et découvertes, la restauration d’une mosaïque, une reconstitution 3D d’une maison… Le directeur digital de la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, Roei Amit a ainsi expliqué sur France Inter que “le public pourra visiter comme s’il visitait au temps de l’âge d’or de Pompéi (…). Pour la première fois, nous allons découvrir l’intérieur des villas pompéiennes”. La Rmn-Grand Palais propose également de découvrir, grâce à son smartphone, la Livie, en réalité augmentée. Une immersion, derrière son écran d’ordinateur ou de téléphone donc.

À Lyon, le musée d’art contemporain se prépare depuis longtemps à la fermeture et donc à faire venir le public autrement. Le musée est en effet fermé depuis mi-janvier pour travaux et ne doit rouvrir qu’en septembre prochain. “Nous avions déjà réfléchi à la manière de rester le plus actif possible pour le public”, confie la directrice de la communication du MAC Lyon, Muriel Jaby. L’idée était de raconter le musée autrement, d’indiquer les oeuvres à voir… Mais le contexte a changé et il a fallu revoir l’approche. Et réinventer d’autres manières de travailler. Une exposition “hors les murs” était prévue fin avril, il n’est évidemment plus possible de l’évoquer. Alors le MAC a lancé le hashtag #oeuvrequifaitdubien. “Chaque jour, explique Muriel Jaby, nous présentons [sur Twitter] une oeuvre de notre collection ou d’une exposition passée, dont on pense qu’elle est réconfortante”. Pour démarrer cette série, le musée a proposé aux internautes de découvrir le “Jardin synthétique à l’isolement”, tout un symbole.

Dans l’émission Éducation et culture diffusée en direct sur France Culture dimanche dernier, la directrice du Louvre-Lens Marie Lavandier a expliqué avoir lancé avec ses équipes l’opération “Louvre-Lens chez vous”.

L’équipe s’est retrouvée subitement chez elle avec un sentiment de sidération car ce musée a été conçu pour mettre en relation cette collection extraordinaire du musée du Louvre et un public qui n’est pas habitué à venir dans les musées.

C’est un musée qui investit largement sur la relation avec le public et d’un seul coup, il n’y avait plus de public, le musée était fermé. Les équipes se sont mobilisées, en particulier les médiateurs, et ont choisi de développer un blog. L’idée est de pouvoir partager, notamment aux familles et parents confinés avec leurs enfants un certain nombre d’apprentissages, d’ateliers artistiques, de lectures, de calculs à la mode mésopotamienne, de fabrication d’ombres chinoises dans la perspective de l’exposition « Soleil noir » qui devait ouvrir ces jours-ci… Et j’ai une pensée très forte pour tous ceux qui n’ont pas accès à internet (…) donc nous essayons de travailler aussi avec la presse écrite, la presse télévisuelle et la radio.

Le musée d’art contemporain de Lyon propose lui la quasi-intégralité de sa collection en ligne, soit plus de 1 300 oeuvres sur environ 1 400. Le musée n’exposant pas sa collection de manière permanente, cela permet de la rendre accessible.
Lors d’une exposition, nous cherchons toujours à être le plus accessible possible, à garder des ressources disponibles dans le temps, à documenter et nous souhaitons garder cette matière disponible pour le public : avec la mise en ligne des fiches d’exposition, des dossiers de presse, des vidéos… Mais cette richesse doit être rendue visible.

Une application a aussi été lancée en 2018, pour raconter d’abord des anecdotes autour de chaque oeuvre. Elle enregistre toujours aujourd’hui entre 10 et 15 téléchargements par semaine, alors que le musée n’a pas d’actualité particulière. Ce confinement devrait permettre de rendre tout ce travail du musée plus visible car généralement, sur les réseaux sociaux, seule l’actualité des musées est mise en avant, les expositions, conférences, ateliers…

“Cela permet de réfléchir à d’autres formats pour l’accès à distance et d’inventer d’autres formes de médiation”, constate Muriel Jaby.
Une réflexion qu’espère aussi Anne Kazmierczak, du Réseau des musées de Normandie. “Notre cheval de bataille, c’est que le public vienne visiter nos musées mais actuellement, c’est l’inverse. Les musées doivent se rendre présents, à domicile. Cela permet de dialoguer, de réfléchir à notre présence sur internet, ce qu’on veut faire de cette présence…

J’espère que cela permettra aussi de repenser le fonctionnement des musées.” Car sur le numérique, les musées ne sont pas tous égaux. “La plupart n’a pas de community manager”, précise la responsable médiation du Réseau des musées de Normandie. “En terme de structure, de territoire, les musées ne sont pas égaux. Il existe encore des zones blanches et une appréhension du métrique donc cela ne va pas de soi”, ajoute-t-elle.

Et puis il y a aussi les contenus des musées “parfois pas suffisamment valorisés” pour Omer Pesquer.
Il y a énormément de contenu disponible, des vidéos, des dossiers pédagogiques, des livrets de jeux. Il y a très longtemps, des musées mettaient ligne leur audioguide. Mais il n’y a aucun endroit où l’on peut retrouver par exemple, un accès facile aux offres pédagogiques.

Tout cela reste très éclaté. Toute la force de Google avec Google Art & Culture, c’est d’avoir une plateforme qui n’est pas du tout éclatée et qui est donc très visible, très présente,,qui ajoute du contenu sans cesse, avec des formats bien maîtrisés. C’est un côté plus industriel et de l’autre, il y a un côté plus sauvage, plus alternatif, qui serait toute l’offre produite par les musées français depuis une vingtaine d’années.

L’impact du temps
Si à présent, cela fait plusieurs années que les musées mettent en ligne leur collection et sont présents sur les réseaux sociaux, de nombreuses initiatives les y ont poussé.
Un musée, cela a un temps plutôt long. Une exposition met un certain nombre d’années à se faire. Ce n’est pas le même temps que le numérique. Il faut que les deux temps se rejoignent.
Omer Pesquer, consultant en projet numérique auprès des établissements culturels
Au début des années 2010, la communauté Museogeeks a oeuvré à travers différentes initiatives à la présence des musées sur le numérique.
En 2015, la MuseumWeek a été lancée sur Twitter, une semaine des musées à travers le monde où chaque jour, à travers un nouveau thème sous forme de hashtag, des oeuvres sont présentées. Cette année, la MuseumWeek devrait se dérouler du 11 au 17 mai, sponsorisée notamment par l’Unesco.