Après que le Premier ministre a présenté le plan de déconfinement, les oppositions ont dénoncé la gestion de crise du couple exécutif. Elle paraît loin l’unité nationale…

Si certains avaient encore des doutes, les choses sont claires : après l’allocution du Premier ministre présentant sa stratégie de déconfinement mardi 28 avril, il n’y a plus aucun climat d’union nationale qui tienne. LR, socialistes, Insoumis, élus RN… Aucun n’a ménagé l’exécutif, accusé d’avoir mal anticipé cette crise ou de rester trop flou sur les réponses pour en sortir.

A l’image du député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti parlant d’une « berezina », d’un « juin 40 sanitaire ». Le même qui soutenait mordicus le candidat François Fillon et ses projets d’amaigrissement de l’Etat…
Critiqué pour son choix de faire procéder au vote juste après la présentation de son plan, Edouard Philippe s’est défendu d’avoir escamoté le débat démocratique :

« Il aurait été pour le gouvernement possible de présenter ce plan au cours d’une conférence de presse…En ces temps de réseaux pas très sociaux et colériques, il est utile de rappeler que les représentants du peuple siègent(…) La démocratie parlementaire reste vivante .»

Sur ce point, il n’a pas été démenti, même si 75 députés seulement étaient représentés dans l’hémicycle. LREM a, comme il se doit, salué l’intervention du Premier ministre. Et les oppositions se sont opposées. Le chef de file des députés LR Damien Abad a d’abord critiqué la méthode : « Vous remarquerez Monsieur le Premier ministre que vous avez un avantage sur nous : là où vous avez eu 72 heures pour prendre connaissance de notre propre plan, vous nous laissez à peine 3 heures pour examiner le vôtre. »

Faisant allusion aux soupçons de friction entre Emmanuel Macron et son Premier ministre sur l’organisation de ce vote, le député de l’Ain a déploré une « crispation coupable qui aura un coût politique majeur, celui de braquer les oppositions à un moment où nous avons besoin de rassemblement et de sérénité». Pour les Républicains, le fond aussi pose problème. Le plan gouvernemental comporte « quatre failles importantes » : la protection, le flou « artistique sur les écoles », une « absence de volet sécurité » et un « redémarrage économique incertain ».

Mélenchon durcit le ton

Dans sa majorité, le groupe LR a décidé de s’abstenir lors du vote : pas de soutien, mais pas de vote contre non plus. D’autres députés LR sont plus incisifs ont choisi de voter contre le gouvernement : «Nous n’avons toujours pas pu lire une seule ligne de ce plan. Le gouvernement a échoué dans l’anticipation et la gestion de la crise. Je ne lui fais pas confiance pour déconfiner », assène Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais. « Pour moi, c’est non », balance aussi Julien Aubert, député du Vaucluse. Mais Edouard Philippe s’attendait-il à autre chose de la part de son ancienne famille politique ?
A la tribune, Jean-Luc Mélenchon aussi durcit le ton. Alors qu’il s’était montré hésitant au début de la crise sanitaire, le chef de La France Insoumise a retrouvé sa posture d’opposant en colère. Il a vite glissé sur le Premier ministre, décrit en « bouc émissaire de confort de toutes sorte de gens », pour mieux cibler Emmanuel Macron et ses « injonctions odieuses ».

Aux yeux de l’Insoumis, le président a failli en ne recommandant pas dès le début de porter un masque. Il a failli en refusant le 23 avril de tester tous les Français quand l’OMS appelait un mois plus tôt tous les dirigeants du monde à « tester tester tester ». Il a même failli en allant au thêatre le 6 mars… date à laquelle on ignorait pourtant encore l’ampleur de la crise qui s’annonçait.

Autant « d’ordres et de contre-ordres » qui ont sapé la confiance dans l’exécutif estime l’ex-socialiste. Faute d’un nombre de masques et de tests suffisants , il pronostique déjà « un deuxième pic inéluctable ». Et professe des jours sombres à ce chef de l’Etat dont il veut la place : « En démocratie, il n’y a pas de consentement à l’autorité sans confiance dans la légitimité des consignes données. Cette confiance est morte ».

Moins dur sur la forme mais tout aussi ferme sur le fond, le député socialiste Olivier Faure a de son côté dénoncé « une improvisation coupable qui crée une défiance » et « un festival de contradictions, d’incohérences et d’approximations » , citant pêle-mêle les couacs de ces derniers jours sur le confinement des anciens, la réouvertures des écoles, la régionalisation des mesures et bien sûr la pénurie de masques, « inutiles un jour utiles le lendemain, obligatoires, facultatif, en papier, en tissu, commandés, pas arrivés »…

Volontairement alarmant sur « la crise sociale d’une violence inouie » qui se profile, le premier secrétaire du PS a exhorté le gouvernement à muscler l’aide aux plus modestes et à abandonner la réforme de l’assurance chômage, « fabrique industrielle à pauvreté ». Il s’est même permis d’adresser une punchline au Premier ministre :
« Si vous voulez du tracking, traquez l’argent sale. »