De nouvelles pistes cyclables ont été aménagées dans la capitale, notamment sur la rue de Rivoli, où une circulation restreinte a été décidée.

« Désolé monsieur, vous n’avez pas le droit de circuler sur cet axe. » Les agents municipaux postés à l’angle de la rue du Louvre et de la rue de Rivoli, dans le Ier arrondissement de Paris, redirigent les véhicules des particuliers qui souhaitent emprunter cet axe majeur de la ville de Paris. Les taxis, les ambulances, les livreurs ou les bus peuvent néanmoins passer. Pas les chauffeurs VTC. Une décision prise par la maire (PS) de Paris, Anne Hidalgo, pour privilégier notamment les circulations douces et limiter la pollution en cette période de crise sanitaire majeure.

« Depuis lundi, on est recalés, soupire Mickaël Massot, chauffeur indépendant. Sur un trajet entre Bastille et Concorde, un taxi va mettre 10 à 15 minutes et nous en faisant un détour cela nous prendre 35 minutes. C’est déloyal. De plus, je travaille sans Uber, en ayant pour clients les grands hôtels sur ce secteur.

Je suis obligé de demander à des personnes de se déplacer et de me rejoindre à 800 mètres parce que je ne peux pas les embarquer s’ils sont sur la rue de Rivoli. Comment voulez-vous que je sois attractif ? »

Avec 200 autres chauffeurs VTC qui s’estiment lésés par cette décision de la Mairie de Paris, ils ont monté un collectif représentatif de leur profession et se cotisent pour entamer une procédure judiciaire : une requête en référé suspension vient d’être déposée devant le tribunal administratif de Paris ce vendredi par les avocats Rémy Josseaume et Aïley Alagapin-Graillot, spécialistes en droit routier.

«Il y a une rupture d’égalité, un déséquilibre, du favoritisme»
Dans ce référé, une suspension de cette décision de fermeture de la rue de Rivoli est demandée. Et comme l’impact économique est immédiat pour les chauffeurs VTC, le tribunal pourrait statuer dans les tout prochains jours, en urgence.

« Ce décret de la mairie de Paris favorise les taxis par rapport aux VTC, dans un secteur concurrentiel, il y a une rupture d’égalité, un déséquilibre, du favoritisme, estime Me. Josseaume. L’attractivité commerciale des VTC est touchée. Ils vont perdre du temps, les trajets coûteront plus chers.

Et ils ne peuvent ni prendre ni déposer un client sur cet axe majeur de Paris où on trouve des boutiques de luxe, du tourisme et des hôtels. Dans son décret, la Mairie de Paris le qualifie d’ailleurs d’emblématique. Et cela aura des répercussions économiques importantes pour tous les VTC. D’ailleurs depuis quelques jours, les taxis communiquent sur cet avantage. »

«Il y a de la place pour tout le monde»
Un peu plus de 30 000 VTC travaillent sur Paris et sa banlieue et près de 20 000 taxis parisiens sont recensés. « Nous ne leur livrons pas une guerre, ce sont nos concurrents, pas nos ennemis, martèle immédiatement Mickaël Massot, VTC depuis cinq ans. Nous sommes complémentaires. Nous n’offrons pas forcément les mêmes prestations. Et il y a de la place pour tout le monde. »

Les membres du collectif rappellent que durant le confinement, certains d’entre eux ont joué le jeu et transporté des soignants à titre gracieux. « On a été impactés par cette crise et cette décision va menacer encore davantage de nombreux emplois, s’inquiète Mickaël Massot. Pour ma part, j’ai perdu 70 % de mon activité depuis mi-février. Mais cette semaine, ça reprend. Il y a beaucoup de personnes qui ont peur de prendre les transports et qui nous appellent. Mais ce favoritisme les impacte eux aussi. »

C’est d’ailleurs un autre axe du recours entamé par le collectif. « Cette décision avait reçu un avis défavorable de la préfecture, avance Me Josseaume. Les transports collectifs sont vecteurs de propagation du virus, donc pénaliser les VTC ne me semble pas une bonne solution. »

D’autres axes pourraient être concernés dans la capitale
La décision de fermer la rue de Rivoli (Ier-IIe), annoncée depuis plusieurs semaines par la maire de Paris ne devrait être que la que la première d’une série. La rue Mouffetard (Ve), la rue Saint-Paul (IVe), la rue Saint-Jacques (Ve) et le boulevard Saint-Michel (Ve-VIe) devraient suivre.

« On annonce que c’est provisoire, mais c’était le cas pour le tunnel sous le rond-point de l’Arc-de-Triomphe, pour les voies sur berge et on a bien vu que cela devenait ensuite définitif, poursuivent les avocats du collectif VTC. Enfin, il y a un vice de procédure. Si la justification est écologique, il faut une consultation et des études et il n’y en a pas eu. Notamment sur les reports de circulation sur les autres axes »

La Ville de Paris n’entend pas céder

Contactée, la Mairie de Paris campe sur sa position : « La fermeture à la circulation de la rue de Rivoli a pour objectif la réduction du trafic automobile et de la pollution pour permettre la distanciation nécessaire dans cette période post-confinement.

Pour les véhicules autorisés, la ville a posé deux critères : les véhicules prioritaires roulant habituellement dans la voie de bus (taxis, véhicules d’urgences, bus), et le critère de la vitalité économique de la Ville en autorisant les livraisons et les artisans. »

Des propos qui font écho à ceux de Mickaël Massot bloqué à l’entrée de la rue de Rivoli, face à un agent municipal. « Je suis artisan j’ai ma carte de la chambre des métiers, regardez, c’est dans votre décret, les artisans sont autorisés. » En vain : « Circulez ou je vous verbalise », lâche fermement l’agent en notant la plaque du VTC.
VIDÉO. Pour Hidalgo, les pistes cyclables temporaires pourraient «dissuader les automobilistes»