Réputé consensuel, le président Roch Marc Christian Kaboré a été réélu pour un deuxième mandat à la tête du Burkina Faso, malgré un bilan miné par une descente aux enfers sécuritaire face aux groupes jihadistes et les critiques de l’opposition.

Elu une première fois 2015 avec 53,49% des voix, un an après la chute de Blaise Compaoré qui a été renversé par une insurrection populaire après 27 ans de pouvoir, M. Kaboré, 63 ans,  a amélioré son score (57,87%) mais il doit cette fois faire face à une fronde politique.

En 2015, un an après la chute de Blaise Compaoré, renversé par une insurrection populaire après 27 ans de pouvoir, l’élection de M. Kaboré dès le premier tour avec 53,49% des voix, avait suscité de grands espoirs de développement et de changement au “pays des hommes intègres”.

Il avait su rassembler aussi bien des anciens du régime Compaoré que ses opposants.

Cinq ans plus tard, le Faso s’est enfoncé dans le chaos avec des attaques de groupes jihadistes quasi quotidiennes, ayant fait plus de 1.200 morts en cinq ans, des pans entiers du pays échappant à l’autorité de l’Etat, et les forces de l’ordre semblant incapables d’enrayer la spirale de violences.

Carte du Burkina Faso© Sophie RAMIS Carte du Burkina Faso

Mais M. Kaboré, de l’ethnie majoritaire mossi, ancien banquier et homme réputé consensuel, semble pour l’heure être entre les gouttes de la sanction populaire. Pendant la campagne électorale, il a promis plus de résultats face aux attaques.

“Il faut saluer le président Kaboré dont le travail et le courage ont permis au pays de ne pas sombrer”, estime Clément Sawadogo, vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, parti au pouvoir).

– “Roi fainéant” –

Le MPP fait valoir son bilan, citant les réalisations, infrastructures routières, santé, eau potable, qui semblent en décalage avec la réalité: plus d’un million de personnes ont dû fuir leurs foyers à cause des violences jihadistes, et des milliers d’écoles ont dû fermer.

“C’est quelqu’un qui est sans doute arrivé avec une autre idée, plus sociale, plus dans la réconciliation après les dernières années difficiles du régime Compaoré, qui tout d’un coup a été aspiré par une problématique qui est loin de ce qu’il connaît”, dit Rinaldo Depagne, d’International Crisis Group (ICG).

Fils de ministre, homme aux idéaux de gauche revendiqués à ses débuts en politique après des études en France, il profite dans les années 1980 de l’accession au pouvoir de Thomas Sankara, le père de la révolution d’inspiration marxiste, pour devenir directeur de la Banque internationale du Burkina avant même son trentième anniversaire.

Après l’assassinat de Sankara en 1987, il s’engage auprès du “Beau Blaise”. L’ascension est fulgurante: plusieurs fois ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée… Il est l’un des hommes clés du régime.

Considéré comme probable successeur de M. Compaoré, M. Kaboré tombe brutalement en disgrâce en 2012 pour des raisons obscures. Il claque la porte du parti au pouvoir en 2014 au crépuscule du régime – se faisant taxer d’opportunisme par ses détracteurs – et fonde le MPP.

Un an plus tard, après une transition, il prend les rênes du Faso.

Son mandat débute “laborieusement”, estime aujourd’hui Fousseny Ouédraogo, cadre de l’opposition: le président “ne semblait pas savoir comment mener le navire”, il a “mis du temps avant de trouver un Premier ministre”, n’a “cessé de remanier son gouvernement”, allant jusqu’à se faire surnommer “président diesel”.

Puis son “indolence face à la menace sécuritaire est devenue un autre problème”, ajoute l’opposant, estimant “un autre mandat plus catastrophique” encore.

Il “est une sorte de roi fainéant qui multiplie les audiences et écoute dans son fauteuil sans prendre de décision”, estime une source diplomatique à Abidjan.