Ces dernières semaines, plusieurs membres de l’administration Trump s’en sont pris à Anthony Fauci, le directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses. La raison : ses propos en contradiction avec l’optimisme du président américain sur le Covid-19.

 

Durant les premières semaines de la pandémie de nouveau coronavirus, Anthony Fauci était de tous les points presse quotidiens à la Maison-Blanche, devenant une célébrité aux yeux du grand public -il figure même en Une du dernier numéro du magazine «In Style». Mais ces derniers jours, le directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses est mis à l’écart par l’administration Trump, voire directement attaqué par certains de ses membres. Peter Navarro, conseiller économique, a signé une tribune publiée dans «USA Today», affirmant que l’épidémiologiste «a eu tort sur tous les sujets» discutés entre les deux hommes.

Dan Scavino, chef des réseaux sociaux de la Maison-Blanche, a partagé sur Facebook une caricature le présentant en «Dr Faucet» («Dr Robinet»), déversant des conseils comme «Les écoles restent fermées cet automne!», «Confinement indéfini!» ou encore «Taisez-vous et obéissez!» «Désolé, Dr Faucet! Au moins vous savez que si je suis en désaccord avec un collègue, comme vous, c’est fait publiquement -et non pas lâchement, caché derrière des journalistes avec des fuites. À demain!», a commenté sur Facebook l’ancien caddie de golf de Donald Trump, qui a depuis supprimé son compte.

Si la sortie publique de Peter Navarro n’a officiellement pas été validée par la Maison-Blanche, le conseiller y porte pourtant un reproche formulé par Donald Trump lui-même. «Le Dr Fauci est un homme sympa, mais il a fait beaucoup d’erreurs», a-t-il récemment déclaré à l’antenne de son ami Sean Hannity, sur Fox News, rappelant que le spécialiste était initialement opposé à une interdiction des vols en provenance de Chine, avant qu’il ne change d’avis. «Je l’ai fait quand même et nous avons sauvé des centaines de milliers de vie», a poursuivi le président américain, alors que plus de 138 000 Américains sont morts du Covid-19. Dès le 13 avril dernier, il avait retweeté un message appelant au limogeage du Dr Fauci, en profitant pour vanter les mérites de cette même décision -qui a pendant longtemps été la seule prise, la Maison-Blanche se refusant à demander aux gouverneurs des États de mettre en place un confinement généralisé pour endiguer la propagation du virus au nom des conséquences économiques.

“Au final, c’est dommageable pour le président”

Le week-end dernier, certains membres de l’administration Trump ont fait part (anonymement) de leurs inquiétudes à propos du spécialiste en poste depuis 1984 -et qui a servi sous six présidents, républicains comme démocrates-, citant une douzaine de déclarations du médecin. Ce dernier a assumé ses propos, rappelant que les informations ont rapidement évolué au début de la pandémie : «Je maintiens tout ce que j’ai dit. Dans le contexte où je l’ai dit, au moment où je l’ai dit, c’était absolument vrai», a-t-il répondu à «The Atlantic», qualifiant le document transmis à la presse de «mauvais» et «incorrect».

Il a clairement évoqué les critiques émises à son encontre par des proches de la Maison-Blanche : «Quand l’équipe laisse sortir quelque chose comme ça et que toute la communauté scientifique et médiatique les contraint finalement à reculer, c’est dommageable pour le président. Mais c’est ce qui arrive. Je lui ai dit que je pensais que c’était une grosse erreur. Cela ne les sert pas.» Quant à la tribune de Peter Navarro, Anthony Fauci a préféré éviter le sujet : «Je ne peux pas expliquer Peter Navarro. Il vit dans son propre monde. Donc je ne veux même pas m’y aventurer.»

 

Dans cet entretien, il a admis ne pas avoir vu Donald Trump en tête à tête «depuis longtemps» et répété que la situation sanitaire «doit être améliorée». Mais le médecin, qui a été un des chercheurs qui a travaillé sur le virus du Sida dès le début des années 1980, exclut de démissionner malgré un climat qui semble délétère : «Je pense que le problème est trop important pour que j’en arrive à ce genre de pensées et de discussions. Je veux juste faire mon travail. J’y suis très bon. Je pense que je peux aider. Et je vais continuer à le faire».