Alors qu’aux États-Unis, plus de 23 500 personnes sont décédées du Covid-19, les Afro-Américains apparaissent comme une des catégories de la population les plus touchées par le nouveau coronavirus. Dans certains États, ils sont largement surreprésentés parmi les victimes.

Selon les statistiques fournies par l’agence de santé publique de l’Illinois, les Noirs représentent 40 % des décès dus au Covid-19, alors qu’ils sont moins de 15 % de la population dans cet État. Même constat dans le Michigan ou encore en Louisiane, où 60 % des près de 900 morts sont afro-américains.

Seules les données d’une quinzaine d’États ont été publiées pour le moment, mais Donald Trump a reconnu des disparités raciales parmi les victimes du Covid-19. “Il y a un vrai problème et il apparaît très fortement dans nos données sur la communauté afro-américaine, a déclaré le président américain le 7 avril. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour relever ce défi, c’est un énorme défi. C’est terrible et nous devons fournir un soutien aux citoyens afro-américains de ce pays qui traversent cette période. C’est disproportionné, ils sont très, très durement touchés.”

 

Inégalités sociales et sanitaires
Mais comment expliquer cette forte proportion de décès chez les Afro-Américains ? Sociologues et médecins s’accordent à dire que la population noire aux États-Unis fait face à des inégalités sociales et sanitaires qui la rendent plus vulnérable face à la pandémie que la population blanche.

“Il y a d’abord des caractéristiques sanitaires, liées à la santé d’une manière générale, de cette population qui a un taux de mortalité plus important, explique Pap Ndiaye, enseignant à Sciences Po Paris, spécialiste de l’histoire sociale des États-Unis. Le taux de diabète notamment, le taux de maladies cardiovasculaires, l’obésité aussi, voilà des facteurs qui font que cette population est en moins bonne santé générale.”

Or, les personnes présentant des comorbidités sont très souvent celles que l’on retrouve en réanimation et donc celles qui ont le plus de chances de mourir.
“Cette moins bonne santé, elle est liée – c’est le deuxième aspect – à des conditions sociales, à des conditions de vie plus difficiles, assure le professeur.

On ajoutera aussi le fait que les emplois – c’est lié à la situation sociale – sont souvent des emplois de première ligne en quelque sorte. Des emplois de livreur, des emplois qui ne peuvent pas bénéficier du télétravail et ils sont donc plus vulnérables par rapport à la contamination de ce virus. Et puis enfin, le troisième facteur, c’est l’assurance maladie.

En effet, la population africaine-américaine est moins bien assurée que le reste de la population en dépit de la loi Obamacare, qui a pu assurer une vingtaine de millions d’Américains qui ne l’étaient pas avant 2014. Mais il reste encore une partie significative de la population pauvre, que ce soit la population africaine-américaine, la population hispanique mais aussi la population amérindienne dans les réserves de l’ouest des États-Unis en particulier, qui ne disposent pas d’assurance maladie.”

Transparence sur les chiffres
Dans une lettre adressée au ministre américain de la Santé, l’organisation de défense des minorités Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law exhorte les autorités sanitaires fédérales à publier rapidement les données ethniques et raciales sur le dépistage et la prévalence du Covid-19 de tous les États américains. Objectif : donner un meilleur accès aux soins aux Afro-Américains et mieux répondre à la pandémie sur l’ensemble du territoire.