Après un mois de Ramadan confiné, les musulmans d’Ile-de-France comptent-ils pouvoir se rendre dimanche à la mosquée, pour la grande prière collective de l’Aïd, marquant la fin du Ramadan ? Ces dernières heures ont sans doute donné de l’espoir à certains, après la parution du décret ouvrant la voie à la reprise immédiate des offices religieux, dans la nuit de vendredi à samedi.

Mais bon nombre de mosquées devraient toutefois garder portes closes. C’est d’ailleurs la recommandation émise par le Conseil français du culte musulman (CFCM). « On n’a pas les moyens d’assurer la sécurité sanitaire des fidèles », explique Hakim Rebiha, porte-parole de l’association en charge de la grande mosquée de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), également maire-adjoint. Comment faire respecter la distanciation sociale ? Choisir ceux qui peuvent entrer ou non ? Cette mosquée peut accueillir jusqu’à 3 500 fidèles et la prière de l’Aïd est celle qui attire le plus de monde. J’ai pas le Stade de France, moi ! »
Le décret paru samedi instaure en effet des règles strictes. Il incombe aux gestionnaires des lieux de culte de faire respecter une distance d’1 m entre les fidèles, d’imposer le port du masque, la désinfection des mains, de réguler le flux du public et même d’« éviter les attroupements » aux abords de la salle de prière.

Deux ou trois offices au lieu d’un à Pantin
La perspective n’effraie pas tout le monde. Une mosquée de Pantin ouvrira bien ses portes aux fidèles ce dimanche matin. Ce samedi, elle a même accueilli un petit groupe de fidèles, pour une prière en forme de répétition générale.

« Habituellement on reçoit jusqu’à 1 400 fidèles dans la salle et sur un terrain, indique M’hammed Henniche, l’un des responsables du lieu de culte. Cette fois on va organiser deux ou trois offices, pour que tout le monde puisse y assister en respectant les règles de distanciation. Une fois la mosquée pleine, les gens patienteront dehors, comme ils le font depuis deux mois à la porte des magasins. »

Egalement responsable de l’Union des associations musulmanes du 93, M’hammed Henniche assure que d’autres salles se préparent à ouvrir à Stains, Aubervilliers, au Pré-Saint-Gervais, Noisy-le-Sec… « La prière de l’Aïd comporte la lecture de versets. Tous les fidèles ne sont pas en mesure de le faire, c’est pour cela qu’ils préfèrent venir à la mosquée. Ce qu’a fait le gouvernement est louable. »

Prière au stade à Levallois
En Seine-Saint-Denis, un message de la préfecture, envoyé ce samedi à certains élus, rappelle qu’il reste impossible d’ouvrir des gymnases et salles polyvalentes aux associations qui en feraient la demande.
Dans les Hauts-de-Seine, c’est au stade Louison-Bobet que l’union des musulmans de Levallois organise, ce dimanche matin, une prière de l’Aïd

. « On a tout simplement su anticiper, se félicite son président, Ali Essebki. Je ne comprends pas qu’autant de mosquées se retrouvent ce soir dans la panade pour recevoir leurs fidèles. De mon côté, dès que le Conseil d’Etat a rendu sa décision et dit que le gouvernement avait une semaine pour revoir sa copie, j’ai pris attache auprès de la ville de Levallois et des services techniques pour voir s’il était possible d’organiser quelque chose. »

Au stade Louison-Bobet où l’association compte utiliser à la fois la piste d’athlétisme et le terrain de football, Ali Essebki assure que les fidèles, invités à tous venir masqués, seront en mesure de respecter la distanciation sociale. À condition que l’enceinte ne soit pas prise d’assaut. « On a assez de place pour recevoir les gens de Levallois et s’il le faut, on refusera du monde », glisse le président, conscient qu’il risque de générer de la frustration.

Ce risque, l’institut Ibn Badis, la plus importante mosquée de Nanterre, ne veut pas le courir. « Trop chaud d’organiser quelque chose en si peu de temps, confie un habitué des lieux. Avec la menace du Covid-19, c’est même impossible. »

Ni prêche ni prière collective à Montfermeil et Aulnay
A Montfermeil (Seine-Saint-Denis), la mosquée se contentera d’une distribution « drive » de cadeaux pour les enfants, en cette journée de fête. Mais pas de prêche ni de prière collective. « La réouverture ne pourra être que très progressive, estime Farid Kachour, responsable du lieu de culte. Nous nous y préparons depuis un moment, nous avons déjà commencé à faire les marquages au sol.

Mais j’attends toujours les distributeurs de gel hydroalcoolique, commandés le 11 mai. » Il s’étonne de l’annonce du ministre de l’Intérieur : « A la veille de l’Aïd alors que le Conseil d’Etat s’est exprimé il y a une semaine, il y a vraiment de quoi jeter le trouble… »

Yacine Laoudi, responsable de la grande mosquée d’Aulnay, se dit même « scandalisé ». « Il était inenvisageable de s’organiser en moins de 24 heures pour cette prière, la plus importante de l’année ! D’habitude on s’y prépare trois semaines à l’avance. On ne veut pas être le point de départ d’une résurgence de l’épidémie, d’autant qu’on reçoit beaucoup de personnes âgées. »

Ce samedi, il a été assailli d’appels d’habitués, prêts à assister au culte. « Mais il y a tous ceux qui ne téléphonent pas et risquent de venir quand même, parce qu’ils ont entendu les infos et pensent que la mosquée est ouverte. Il y a un risque de trouble à l’ordre public ! »