En Afrique, le nombre de contamination au Covid-19 augmente. Avec un système de santé défaillant, les États prennent des mesures fortes, comme la fermeture des frontières, pour endiguer le virus.

L’Afrique pensait être immunisée contre le coronavirus. Mais plus d’un mois après l’annonce d’un premier cas au Caire le vendredi 14 février, le continent compte déjà plus de 1100 cas dont 26 morts dans près de 40 pays, selon le bilan publié le 21 mars par le Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies (CDC).

Les pays du Maghreb restent les principaux foyers du Covid-19. L’Égypte, l’Algérie et le Maroc ont respectivement enregistré 285, 90 et 77 cas selon les derniers chiffres officiels disponibles. En Afrique subsaharienne, l’Afrique du Sud est le pays le plus touché avec 200 cas. Et la pandémie continue de progresser.

Selon un rapport du Centre des opérations de réponse aux urgences sanitaires (Corus) publié samedi 21 mars, deux nouveaux décès liés au coronavirus ont été enregistrés au Burkina Faso, où quatre ministres sont infectés. Le pays, qui compte désormais 64 cas de Covid 19, avait enregistré le premier décès d’Afrique subsaharienne.

Des chiffres pour l’instant inférieurs à ceux de Chine (81 008 cas et 3 255 morts), d’Italie (47 021 cas et 4 032 morts) et de France (12 612 cas et 450 morts).

 

Pour Éric Delaporte, directeur de l’unité d’infectiologie de l’Institut de Recherche et de Développement (IRD), interrogé sur l’antenne de France 24 samedi 21 mars, le nombre de cas diagnostiqués sur le continent africain “ne représente pas la réalité. Le virus doit déjà circuler de façon importante. Mais les cas ne sont peut-être pas encore dépistés parce que la majorité des patients ne développent pas de pathologies graves.”

Des cas importés d’Europe et mesures drastiques

“Initialement, on a cru que l’Afrique allait être contaminée à travers le retour de Chinois au moment du nouvel an. Mais on s’aperçoit que les cas diagnostiqués viennent d’Occident” a affirmé Éric Delaporte, qui est aussi médecin au service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier de Montpellier.

Le Sénégal signalait le 2 mars un premier cas venu de France. Le pays compte aujourd’hui plus 38 malades mais aucun décès selon les chiffres officiels, la ville religieuse de Touba étant l’épicentre de la pandémie.Plusieurs mesures drastiques ont été donc prises par le gouvernement sénégalais pour enrayer la chaîne de transmission du virus. Depuis vendredi, les frontières aériennes du pays sont fermées. Les vols en provenance et à destination des aéroports du Sénégal sont suspendus à l’exception des vols cargo, des évacuations sanitaires et des vols spéciaux autorisés. Ces mesures s’ajoutent à celles déjà prises quelques jours plutôt comme la fermeture des écoles, des universités et des mosquées.
À l’instar du Sénégal, plusieurs autres pays africains ont pris des mesures similaires répondant à l’appel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a sonné l’alarme et a invité l’Afrique “à se réveiller et à se préparer au pire” le plus tôt possible.

Le Burkina Faso a ainsi instauré un couvre-feu de 19h à 5h en plus de la fermeture totale des frontières aériennes. D’autres pays sont allés plus loin. En Tunisie, où l’on dénombre plus de 54 cas dont deux morts, le président Kaïs Saïed a annoncé le 20 mars un confinement total de 6h à 18h en plus d’un couvre-feu entre 18h et 6h.

Au Bénin, où seulement deux cas ont été enregistrés, le gouvernement a réquisitionné un millier de chambres d’hôtels pour la mise en quarantaine systématique de toute personne arrivée par voie aérienne. Les frontières ne sont pas encore fermées.

Couloir humanitaire

Sur RFI, Michel Yao, responsable des opérations d’urgence de l’OMS en Afrique a mis en garde contre les effets pervers que pourrait engendrer la fermeture systématique des frontières en termes “de circulation d’experts” pour accompagner les États.
On comprend bien la nécessité de quarantaine ou bien des surveillances, mais il est pratiquement impossible, maintenant, de déplacer les experts d’Europe. Maintenant, entre pays africains, cela commence à être aussi compliqué, parce qu’il y a des restrictions qui sont des restrictions complètes, qui limitent aussi l’appui par d’autres experts, même au niveau de la région”. Le responsable de l’OMS milite donc pour la mise en place d’un couloir humanitaire qui facilitera le convoiement de médicaments et les équipements nécessaires à la lutte contre le coronavirus comme les concentrateurs d’oxygène.

La prise en charge des patients du coronavirus est basée sur la réanimation respiratoire. Il va y avoir la problématique du dispositif de matériel de respiration. Il y a des évaluations qui ont été faites, dans plusieurs grandes villes africaines, on est à cinquante respirateurs par exemple. Si jamais on a une épidémie à l’occidentale, c’est sûr que la prise en charge va poser problème”, renchérit Éric Delaporte, directeur de l’unité d’infectiologie de l’IRD.

L’espoir suscité par la chloroquine

En Europe, après des essais jugés “prometteurs”, le laboratoire français Sanofi s’est dit prêt à offrir aux autorités françaises des millions de doses de l’anti-paludique Plaquenil pouvant traiter potentiellement 300 000 malades.

Déjà testé sur des sujets malades en Chine et à Marseille, et très utilisé en Afrique où meurent chaque année plusieurs milliers de personnes du paludisme, le médicament pourrait susciter l’espoir. “Le Plaquenil est une piste très intéressante. Elle est encore très discutée parce que c’est une étude pilote. Mais c’est un médicament qui est disponible en Afrique. La nivaquine et la chloroquine (qui sont aussi des anti-paludiques, NDLR) y est très largement utilisée”, conclut Éric Delaporte.

France 24