Dans un entretien au Journal du Dimanche (JDD), Emmanuel Macron affirme que “rien n’est décidé”. “Pour les jours qui viennent, nous allons regarder l’efficacité des mesures de freinage et nous prendrons si nécessaire celles qui s’imposent”, affirme le chef de l’Etat. “La bataille des prochains jours est simple. Du pragmatisme et une réponse adaptée face au virus, des mesures de freinage en particulier destinées à préserver les soignants et les personnes vulnérables et une mobilisation générale pour dérouler notre plan d’attaque sur le vaccin”, résume-t-il.
La situation sanitaire est désormais “critique”, pour l’exécutif. L’épidémie a progressé quasiment partout en France en mars, poussée par le variant anglais, jugé plus contagieux et plus virulent. Le nombre de malades en réanimation est en hausse régulière depuis le plus bas enregistré le 7 janvier, avec 2573 patients. Dimanche soir, on en comptait 4872 en réanimation, soit presque autant qu’au pic de la deuxième vague, qui était de 4903 le 16 novembre. Les hospitalisations sont également en hausse : 27 712 patients sont actuellement hospitalisés, dont 1017 nouveaux en 24 heures.
“Situation de médecine de catastrophe”
Ce week-end, les médecins hospitaliers ont alerté sur les risques accrus qui pèsent sur l’hôpital. En Ile-de-France, 41 directeurs médicaux de crise de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) évoquent une “situation de médecine de catastrophe”, disant se préparer à devoir “faire un tri des patients afin de sauver le plus de vies possibles”, dans une tribune publiée samedi par le JDD. “Ce tri concernera tous les patients, Covid et non Covid, en particulier pour l’accès des patients adultes aux soins critiques”, précisent les signataires. Ils indiquent n’avoir “jamais connu une telle situation, même pendant les pires attentats subis ces dernières années”.
Dans une autre tribune publiée par Le Monde, neuf médecins de l’AP-HP étrillent la gestion de crise de l’exécutif, estimant qu'”en imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite. Il est temps que l’exécutif assume clairement et publiquement les conséquences sanitaires de ses décisions politiques”, demande le collectif.
“Il y a un sentiment de colère de se retrouver dans une situation qui va nous obliger à faire de la médecine de catastrophe”, a déclaré dimanche sur BFMTV Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP. “Nous risquons de nous retrouver dans 10 jours, 15 jours, 3 semaines dans une situation de débordement”.
Montée en charge du nombre de lits en Ile-de-France
“On ne va pas avoir d’autre choix qu’un autre confinement”, estime-t-il. “Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une situation où il faut appuyer sur tous les freins, y compris dans les écoles. Il faut les fermer avant les vacances de Pâques et les rouvrir très vite, le primaire en premier”. Le pédiatre pense que “c’est la troisième vague qui risque d’être la plus violente”, mais qu’elle sera “probablement la dernière”.
L’agence régionale de santé (ARS) a demandé aux hôpitaux d’Ile-de-France “d’anticiper une montée en charge du nombre de lits” de soins critiques avec un objectif de 2200 lits disponibles pour accueillir les malades du Covid-19. Un premier palier à 1800 lits doit être franchi dans quelques jours.
Dimanche dans la soirée, le ministre de la Santé Olivier Véran s’est entretenu avec les directeurs médicaux de crise de l’AP-HP, lors d’une “réunion prévue dès le début du week-end” et au cours de laquelle il a souhaité “rappeler l’extrême conscience qui est la sienne de l’impact sur les réas et de sa volonté de les préserver au maximum pour éviter la multiplication de choix terribles pour les soignants”, a précisé à l’AFP l’entourage du ministre. “Le ministre a rappelé qu’il fallait vérifier ce que les mesures déjà mises en place avaient comme impact sur la réa, et que si cet impact était jugé insuffisant pour passer le cap difficile des trois prochaines semaines, le gouvernement serait amené à prendre rapidement des mesures supplémentaires”, indique-t-on de même source.
Les effets des dernières mesures attendus
Les premiers effets de la stratégie “freiner sans enfermer” annoncée le 18 mars par Jean Castex sont attendus cette semaine. “On est dans un entre-deux, on attend, commente un conseiller de l’exécutif auprès du Parisien. Personne ne croyait au couvre-feu à 18 heures et il a nous a permis de gagner du temps.” Un autre conseiller interrogé par le quotidien est plus pessimiste : “Mercredi prochain”, le 31 mars, “à la télévision, Emmanuel Macron pourrait annoncer la fermeture des écoles, entraînant le basculement massif des Français dans le télétravail. Tout dépendra en réalité des résultats du début de semaine.”
Un conseil de défense sanitaire doit se tenir mercredi pour décider d’un éventuel durcissement des mesures. Selon Le Monde, l’arbitrage dépendra des données évaluant l’effet des dernières mesures . Mais pour le quotidien, un confinement comme celui de mars 2020 semble aujourd’hui “hors de portée” pour le gouvernement. “A l’époque, la question de l’acceptabilité ne se posait pas car nous étions tous sidérés et effrayés, explique-t-on dans l’entourage de Jean Castex. Depuis, d’autres paramètres sont intervenus, économiques, scolaires ou liés à la santé mentale. Notre priorité, c’est le sanitaire, mais le sanitaire au sens large, pas uniquement lié au Covid-19”. Devant la difficulté de confiner tout le monde, la fermeture des écoles semble donc être un dernier recours pour le gouvernement.
Un tabou sur les écoles ?
Leur ouverture est de plus en plus mise en cause face à la flambée de l’épidémie, mais le gouvernement est toujours réticent à les fermer. “Une sorte de tabou s’est installé en France sur les écoles. C’est à la fois noble et dangereux car cela occulte le risque dans les écoles”, estime dans Le Monde Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale (université de Genève).
Pour éviter cette fermeture, un nouveau protocole annoncé vendredi par le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer est mis en place ce lundi. Dans les 19 départements soumis à des “mesures de freinage”, les classes seront désormais fermées au premier cas de contamination, contre trois auparavant. Elles le resteront pour “une durée de deux à trois semaines” et les parents pourront demander un arrêt de travail pour garder leurs enfants, a assuré le ministre.
Dans l’Education nationale, les témoignages s’enchaînent pour relater les difficultés grandissantes à faire fonctionner les établissements, les personnels enseignants et administratifs étant eux-mêmes touchés par l’épidémie. En Seine-Saint-Denis, des élus ont de nouveau tiré la sonnette d’alarme. Un lycée de Drancy est devenu le symbole de la situation catastrophique qui touche le département francilien. Pour le chef de l’Etat, “la fermeture complète des écoles ne saurait être un tabou, mais elle doit demeurer un dernier recours et une mesure limitée au maximum dans le temps”.