C’était il y a quelques semaines, avant le tsunami causé par l’épidémie due au coronavirus. Au moins trois sociétés historiques du cinéma étaient déjà à la peine. Le groupe de Luc Besson, EuropaCorp, perclus de dettes, a été croqué, fin février, par son principal créancier, le fonds new-yorkais Vine Alternative Investments.

Une coûteuse diversification internationale dans les séries a creusé les pertes de Gaumont l’an passé, tandis que le distributeur et producteur Mars Films est en redressement judiciaire depuis août 2019.

Le coronavirus apporte son lot de risques accrus pour les PME les plus chétives. Depuis le 19 mars, tous les exploitants ont tiré le rideau, la sortie des films est reportée sine die par les distributeurs, et les producteurs assistent, impuissants, à la fin prématurée des tournages.

« Cette crise intervient sur un secteur déjà fragilisé et en accélérera la mutation », explique Isabelle Terrel, directrice générale de Natixis Coficiné, le principal organisme de crédit du cinéma en France. « Les producteurs sont déjà pénalisés par la baisse des investissements des chaînes payantes ou gratuites et des distributeurs depuis deux ans », observe-t-elle. A ses yeux, « les producteurs qui ont dû reporter ou arrêter leur tournage subissent de plein fouet les effets » de l’épidémie.
Les assurances ne fonctionnent pas

Rien qu’à Paris, sept tournages de films ont été stoppés net. L’équipe d’Adieu Monsieur Haffmann, produit par Vendôme Films, a même oublié sur les immeubles des rues Berthe et Androuet des affiches de propagande allemande et du gouvernement de Vichy… Six autres producteurs, Jerico Films, WZ, Aurora Films, Why Not Productions, Chapter 2 et Scarlett, ont laissé en plan leurs longs-métrages. Les Films du Worso et Mandarin Production ont abandonné l’idée de tourner avant la mi-avril.

Les assurances ne fonctionnent pas, ce qui risque de provoquer des faillites. Et l’incertitude demeure sur la durée d’interruption des tournages. Leur surcoût dépendra de la suspension de tous les contrats et de la disponibilité des acteurs à la reprise… « Sans compter l’embouteillage dans les tournages quand tout va repartir », note Michel Gomez, délégué général de la Mission Cinéma de la Ville de Paris.

Selon Mme Terrel, « les distributeurs risquent d’être aussi très impactés. La filière est déjà très fragile. L’arrêt brutal de l’exploitation d’un film en salle ou le report d’une sortie dont les frais d’édition ont déjà été engagés (affichage, publicité, etc.) se traduisent par un manque à gagner auxquels s’ajouteront des tensions de trésorerie liées à l’absence de recettes pendant la fermeture des salles. »