Pour sortir du confinement de nombreux défis demeurent.

La situation sanitaire reste critique en France, avec désormais plus de 3.000 morts du coronavirus et des services hospitaliers toujours en tension, mais les autorités doivent déjà préparer “l’après”.

Comment lever la période de confinement, pour l’heure prévue jusqu’au 15 avril, sans risquer de faire repartir l’épidémie? Parmi les réponses avancées, le gouvernement mise en particulier sur les tests sanguins. “Aucun pays n’est en mesure de dire comment se passera le déconfinement.

Nous savons déjà que l’enjeu, à ce moment-là, sera de pratiquer des tests sérologiques pour identifier quels sont les Français qui ont eu la maladie, parfois sans le savoir”, résumait le ministre de la Santé, Olivier Véran, dimanche dans le JDD.

Ces tests auront un sens s’ils sont pratiqués à grande échelle. Mais cela ne règle pas tout.

Un test sérologique qui nécessite une simple prise de sang
Le test sérologique ne doit pas être confondu avec les tests de détection dit PCR actuellement pratiqués (avec un écouvillon, sorte de long coton-tige, à faire entrer dans une des narines).

Il s’agit ici d’une prise de sang : ce test vise à déterminer quelles personnes ont déjà été contaminées par le coronavirus, en vérifiant leur immunisation. Il détectera pour cela la présence ou non d’anticorps, ces protéines fabriquées par le corps pour se défendre contre les agents pathogènes. A la fois ceux produits en début d’infection (IgM) et ceux produits plus tardivement (IgG).

Un dépistage massif de la population, comme l’envisage le gouvernement, permettra donc d’évaluer avec précision la part de la population ayant été infectée, en incluant toutes les personnes n’ayant présenté aucun symptôme.

“Au moment du déconfinement, ce sera très important de savoir quel pourcentage de la population a été infecté par le virus, précisait lundi sur France info Frédérique Vidal, la ministre de la Recherche. On sait qu’au-delà d’un certain pourcentage, le virus ne circule plus.

Celui-là est particulièrement transmissible et c’est pourquoi on pense qu’une grande partie de la population a potentiellement été infectée sans le savoir.”

Sa mise en place devrait être rapide mais forcément progressive

L’arrivée sur le marché de ces tests sanguins nécessite plusieurs étapes préalables : la principale est de s’assurer de leur fiabilité. Mais les choses avancent vite. Plusieurs laboratoires français sont déjà mobilisés, comme ceux de l’Institut Pasteur à Paris.

L’entreprise Biosynex, située près de Strasbourg et spécialisée dans les auto-tests, vient pour sa part d’annoncer avoir mis au point un prototype et attend le feu vert de la Haute autorité de santé pour lancer sa production début avril. Idem pour la société NG Biotech, en Ille-et-Vilaine.

Concrètement, l’utilisation d’un tel test s’annonce très simple. “Il suffit d’une goutte de sang au bout du doigt (la cartouche de test contient un auto-piqueur et un collecteur de sang). Comme pour un test de grossesse”, précise à Ouest France le docteur Alain Calvo, directeur du développement chez NG Biotech.

Pas besoin non plus d’attendre le résultat longtemps : celui-ci sera visible directement en 15 minutes et se lira là aussi comme un test de grossesse, avec des petites barres.

A l’étranger, d’autres sociétés sont lancées elles aussi dans cette course aux tests comme la compagnie finlandaise Mobidiag, qui a déjà reçu le marquage CE qui lui permet de vendre dans l’UE. Les premiers tests pourront donc arriver rapidement, afin de coïncider avec le début de la période de déconfinement du pays.

Le ministre Olivier Véran a annoncé la semaine dernière avoir “commandé 2 millions de tests qui seront livrés en avril”. Biosynex s’estime en mesure d’en produire 500.000 d’ici à la mi-avril et NG Biotech peut parvenir à la même quantité au mois de mai. Pour autant, il sera impossible à ce stade de détecter instantanément 67 millions de Français.

Tout n’est pas réglé pour la levée du confinement

Le gouvernement va devoir faire des choix, en priorisant les personnes à détecter dans un premier temps. Olivier Véran plaide pour cibler les publics “fragiles, dans les Ehpad [ou] porteurs de comorbidité”, et les soignants. La méthode exacte – ces tests seront-ils directement transmis à ces personnes ou faudra-t-il se rendre dans des laboratoires? Qui recensera la population immunisée et celle qui ne l’est pas? – reste en suspens.

Plus globalement, c’est l’issue de cette période de déconfinement qui est encore assez floue. “Faudra-t-il déconfiner toute la France? Ou territoire par territoire? Il est trop tôt pour le dire. La notion la plus importante, ce sera celle du pourcentage de Français immunisés”, précisait le ministre de la Santé au JDD.

Sans ce chiffre, difficile d’élaborer la meilleure stratégie. Car si une faible part de la population se révèle avoir été touchée par ce coronavirus, une levée rapide des mesures de confinement renverrait le pays à la case départ…

En Allemagne, où des mesures de restriction sont en vigueur sans que la population ne soit elle-même strictement confinée, une piste est toutefois avancée par le centre Helmholtz de Brunswick, spécialisée dans la recherche sur les maladies infectieuses : délivrer des “certificats d’immunité” pour les personnes déjà contaminées. Ce document “les autoriserait à être exemptées des restrictions” en cours, imagine l’épidémiologiste Gérard Krause cité par Die Spiegel. Le gouvernement allemand n’a pour l’heure pas repris à son compte cette proposition.
La durée de l’immunisation reste inconnue.

Encore trop récente, l’épidémie de Covid-19 laisse des questions sans réponses. Quelques-unes sont pourtant de taille. Parmi celles qui seront décisives en période de déconfinement, en attendant la mise en place d’un vaccin ou un médicament antiviral, il y a la durée d’immunisation contre le virus. Elle peut être de plusieurs années pour d’autres coronavirus.

Mais une mutation profonde de la maladie serait un problème, si le système immunitaire ne parvient plus à la reconnaître. C’est pourquoi s’agissant de la grippe saisonnière, par exemple, les autorités françaises recommandent aux personnes vulnérables de se faire vacciner chaque année. Autre paramètre qui reste à ce jour à vérifier : l’efficacité réelle de la réponse immunitaire, et notamment si le taux d’anticorps sera suffisamment élevé chez chacun après la contagion.