“Notre vie, à partir du 11 mai, ne sera pas exactement la vie d’avant le confinement”, a prévenu Edouard Philippe, lors d’un point d’étape sur la crise du coronavirus, dimanche 19 avril. Sans entrer dans les détails, le Premier ministre a dessiné les contours d’un déconfinement “progressif”.

“Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus”, a mis en garde le chef du gouvernement, laissant entendre que ces premières pistes dépendront de l’évolution de l’épidémie. Voici un premier aperçu du quotidien post-confinement.

Les écoles rouvertes progressivement
“Les écoles n’ouvriront pas partout le 11 mai et ne fonctionneront pas partout le 11 mai”, a averti Edouard Philippe. Pour l’heure, plusieurs scénarios sont à l’étude. Les écoles des territoires comptant le moins de cas pourraient ouvrir “plus rapidement” ou de “manière plus large”. Le gouvernement réfléchit aussi à l’ouverture de “moitiés de classes”, qui se relaieraient “une semaine sur deux”. Enfin, Edouard Philippe a évoqué la possibilité d’utiliser les locaux “de façon différente”, en aménageant “des espaces plus larges que les simples classes pour faire cours”.
Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, avait par ailleurs avancé l’idée de prendre en charge en priorité “les élèves en difficulté”.

Ce fonctionnement en classes réduites serait permis par une “charge moins importante” de cours, a suggéré le ministre de l’Education, mardi 14 avril. Le travail pédagogique sera “très personnalisé” et les programmes pourront être allégés au besoin.

Le gouvernement précisera son organisation dans les prochaines semaines, laissant, pour l’heure, les syndicats de l’enseignement inquiets. “Qui va s’occuper des enfants qui ne seront pas en classe ? Et à la maison, qui va assurer le suivi pédagogique de ces élèves ?” s’interroge Gilles Langlois, secrétaire national du syndicat des enseignants Unsa, sur franceinfo. Le Snes-FSU, principal syndicat des enseignants du second degré, regrette de son côté la “proximité” de la date du 11 mai, compte tenu des “incertitudes sanitaires qui existent encore à l’heure actuelle”. Le syndicat exige des “garanties sanitaires” (désinfection des établissements, mise à disposition de masques et de gel hydroalcoolique…).

Enfin, dans l’enseignement supérieur, les cours ne reprendront pas “physiquement” avant l’été, a annoncé Emmanuel Macron, dans son allocution du 13 avril. Les concours d’accès aux grandes écoles se dérouleront du 20 juin au 7 août, a ajouté la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, au micro d’Europe 1.

Le télétravail prolongé quand c’est possible
“Lorsque c’est possible, le maintien du télétravail” devra être la règle et quand il n’est pas possible, l’organisation de l’entreprise devra respecter les “gestes barrières”, a déclaré Edouard Philippe. Cette déclaration a suscité de nombreuses réactions du côté des syndicats, inquiets pour la santé et la protection des salariés amenés à retourner en entreprise après le 11 mai.
La CFDT plaide pour des “protocoles de déconfinement et de reprises d’activité (…) négociés et discutés” avec les salariés et leurs représentants. “Tous ceux qui peuvent faire du télétravail, il faut continuer, estime Laurent Mahieu, secrétaire général de la CFDT cadres, auprès de franceinfo. Pour les secteurs où la présence des salariés sera décidée, comme les industries, le syndicaliste suggère l’élargissement des plages horaires, pour que tout le monde ne se trouve pas au travail en même temps.
Il faut limiter la nécessité d’être en présentiel, notamment là où il y a des open spaces.

“L’entreprise devra prendre en compte le transport du salarié sur son lieu de travail, faire une heure de trajet dans un métro rempli, c’est une exposition, rajoute Sébastien Busiris, secrétaire général de la Fédération des employés et cadres de Force ouvrière. Sur place, il faudra redéfinir les espaces de travail, la proximité entre les salariés, la possibilité de dépistage et du port de masque.” Chaque branche professionnelle et chaque entreprise devra déterminer ses propres conditions de retour au travail.
Il ne faudrait pas se retrouver avec une situation type ‘Charles-de-Gaulle’, une épidémie qui repart parce qu’on a redémarré sans les mesures de prévention nécessaires.

François Asselin, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a prévenu, sur Europe 1, que les règles de distanciation sociale ralentiraient la reprise : “Il faudra travailler les uns derrière les autres. J’aime mieux vous dire que les délais vont s’étendre et vous ne pourrez pas mettre autant de monde qu’avant au travail”.

Le masque obligatoire dans les transports ?
Comment appliquer les règles de distanciation sociale dans les transports et assurer la sécurité des passagers ? Pour le moment, le ministère n’a pas détaillé de feuille de route. “Des réponses seront apportées dans le calendrier fixé par le président de la République”, c’est-à-dire entre fin avril et début mai, a fait savoir le ministère à France Inter. Edouard Philippe a, lui, annoncé une “probable” obligation du port du masque dans les transports publics après le 11 mai, lors de son point de dimanche.

Pour les trains gérés par la SNCF (TGV Inoui, Ouigo, Intercités, Eurostar, Thalys, Transilien et TER notamment), son PDG, Jean-Pierre Farandou, a déjà demandé que le masque soit obligatoire pour les passagers, mais a prévenu que l’entreprise ne pourrait pas prendre à sa charge leur distribution à tous. Un renforcement du nettoyage des véhicules, du filtrage des passagers et la mise à disposition de gel hydroalcoolique dans les trains et dans les gares sont toutefois prévus, ainsi que la désinfection systématique et régulière des rames.

Dans les aéroports de Paris, les mesures de distanciation sociale déjà appliquées devraient être poursuivies (marquage au sol, mise à disposition de gel hydroalcoolique…). Des groupes de travail sont en relation avec le ministère des Transports et les différentes compagnies pour s’ajuster. “On en saura plus d’ici quinze jours”, précise Aéroport de Paris (ADP). Sur Twitter, le PDG d’ADP, Augustin de Romanet, a souligné que des tests de caméras thermiques étaient effectués.

Concernant la RATP, “il est encore trop tôt pour annoncer les mesures exactes”, précise-t-on à franceinfo. “Nous regardons notamment tout ce qui est fait à l’étranger et en particulier en Asie, où le port du masque est obligatoire sur la plupart des réseaux.” La reprise du trafic sera progressive, afin d’éviter tout “engorgement” dès le 11 mai.
Pour réguler l’affluence, certaines régies de transport ont déjà pris des mesures, comme la condamnation des portes avant dans les bus ou l’ouverture systématique de toutes les portes. A Grenoble, Yann Mongaburu, président du Syndicat mixte des mobilités, n’écarte aucune possibilité : gel dans les véhicules, signalétique au sol, limitation du nombre de voyageurs par bus, neutralisation des sièges, précise France Inter.

“Il serait souhaitable qu’il y ait une régulation à l’entrée des trains, pour que les gens ne s’entassent pas, et du personnel qui veille à ce qu’il y ait du gel”, renchérit Christiane Dupart, vice-présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) à franceinfo. “Ce serait catastrophique qu’à cause de cette crise, il y ait un recours massif à la voiture, alors qu’on sait qu’il y a un lien entre le climat et cette crise.”

Les bars, restaurants, cinémas et musées toujours fermés
Les commerces non-alimentaires, fermés durant le confinement, pourront progressivement rouvrir. A condition cependant de mettre en place les gestes barrière et les règles de distanciation : files d’attente avec plus d’un mètre entre les clients, gel hydroalcoolique à l’entrée ou avant la caisse. Il devrait donc être possible d’aller chez le coiffeur ou chez le fleuriste à partir du 11 mai, a laissé entendre le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, sur France Inter.

Il faudra toutefois faire une croix sur les sorties culturelles pour une période encore indéfinie. Les cinémas, théâtres, salles de spectacles et musées resteront fermés dans un premier temps, a annoncé Emmanuel Macron. Les grands festivals seront annulés au moins jusqu’à mi-juillet. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a malgré tout ouvert la porte à une éventuelle tenue de “petits festivals”après le 11 mai, décidée au cas par cas.

Pour partager un verre en terrasse ou un dîner en famille, il faudra également patienter. Les bars et les restaurants resteront fermés, car leur activité “ne permet pas de limiter dans un premier temps la circulation du virus”. Aucune date de réouverture n’a été communiquée pour l’instant.

Les mariages ou les anniversaires en grand comité toujours interdits
Pas question de prévoir une grande soirée entre amis dès le 11 mai. “Les mariages, les anniversaires, les grandes réunions familiales devront être évités dans les mois qui viennent”, a averti le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, samedi, sur BFMTV. Par ailleurs, trouver un espace suffisamment grand et ouvert pour accueillir des dizaines d’invités semble impossible, puisque les bars et restaurants resteront fermés.
Il ne me paraît pas raisonnable d’imaginer qu’un mariage qui rassemblerait 200 personnes dans un lieu confiné soit immédiatement envisageable.
Edouard Philippe
Sur le calendrier, le Premier ministre est resté évasif : “Pour combien de temps, je ne sais pas encore, mais ça ne me semble pas opportun ou raisonnable d’imaginer que, à très court terme, cela soit possible.”

Prudence pour les vacances
Concernant les vacances, Edouard Philippe n’a pas non plus dressé d’interdiction formelle, mais a douché les espoirs des juillettistes comme des aoûtiens.
Je crains qu’il ne soit pas raisonnable d’imaginer voyager loin à l’étranger très vite.
Edouard Philippe
Rien n’a été précisé sur les mesures qui seront prises concernant les vols vers ou au retour de pays où l’épidémie sévit encore. Interrogé sur franceinfo début avril, le secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, avait déjà invité les Français à “attendre” avant de réserver pour les vacances d’été. “Je conseille aux Français la plus grande prudence sur la préparation de leurs voyages, car la situation aujourd’hui est encore trop incertaine.”
“Prudence” également selon Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement. “Je ne peux pas vous dire ce qu’il en sera d’un voyage aux Etats-Unis, d’un voyage dans un pays africain ou asiatique. Donc, il serait mal aisé de dire que vous pouvez prendre un billet pour aller faire une croisière à l’autre bout du monde”, ajoute-t-elle, sur franceinfo. Certaines compagnies de transports ou agences de voyage ont d’ailleurs assoupli leur politique d’annulation de billets, pour permettre aux voyageurs de décaler leurs projets, rappelle Le Figaro.