Après plus de quatre ans, deux négociations menant à deux accords (celui de retrait et celui sur la relation future), les dés sont désormais jetés. Ils apportent de nombreux changements à partir du 1er janvier 2021.

● Commerce: zéro quotas, zéro tarifs

C’est le cœur de l’accord obtenu le 24 décembre. En donnant accès à son marché unique pour tous les produits britanniques sans droits de douane ni quotas, l’Union européenne accorde un privilège jusqu’ici inexistant. Les exportations britanniques, destinées à 46 % à l’Europe, pourront continuer sans surcoût. De même pour les exportations européennes. Soulagement pour les secteurs de la construction aéronautique et spatiale, de la construction automobile et de l’agroalimentaire, pour qui le Royaume-Uni est un marché de choix.

● Le retour des douanes

Pourtant, tout ne sera pas aussi simple qu’avant. «Il y aura de vrais changements, c’est la conséquence du Brexit», a martelé Michel Barnier. Car le Brexit est synonyme de retour des douanes, supprimées en 1993. Déclarations d’importation et d’exportation seront la règle pour toute transaction. Une charge administrative qui risque de faire grimper les prix. Sans mentionner l’impact sur la fluidité des échanges alors que les douaniers devront, a minima, examiner la documentation de chaque camion. Et que les contrôles seront systématiques pour l’agroalimentaire. «Chaque animal vivant entrant sur le territoire de l’UE devra être individuellement inspecté par un vétérinaire», précise une source européenne.

● Une concurrence équitable

Éviter tout dumping fiscal et social était une des lignes rouges des Européens. Pour assurer cette concurrence équitable, Londres et Bruxelles ont connu «le système le plus avancé qui existe». Si les divergences de normes (en matière d’environnement, droit du travail, fiscalité) devenaient trop importantes d’un côté, l’autre pourrait choisir d’imposer des droits de douane en mesure de rétorsion. Et si une entreprise européenne estime souffrir d’une aide d’État attribuée à une concurrente britannique de manière douteuse, elle pourra s’adresser à la justice ou à la Commission européenne.

● – 25 % pour la pêche?

Point d’achoppement qui a mené les négociations au bord de l’échec, toute la bataille tournait autour du pourcentage que l’Union européenne devrait céder au Royaume-Uni. Les pêcheurs européens diminueront progressivement leurs prises en eaux britanniques jusqu’à les réduire, d’ici à juin 2026, de 25 % selon la Commission et «de quelques % de plus» ensuite, selon Michel Barnier. Après, le partage des eaux se négociera annuellement. Le risque d’un refus britannique existera donc. Mais des garde-fous ont été implantés dans le texte, assure la Commission européenne.

La City détrônée?

Fini les passeports financiers. Ni la finance ni aucun service ne font partie de l’accord. La City, premier centre financier d’Europe, ne pourra donc plus vendre ses produits financiers à travers l’UE après le 1er janvier. La Commission européenne décidera unilatéralement d’attribuer des décisions d’équivalence, à condition que Londres maintienne une réglementation équivalente à celle de l’Union. Pour le moment, seules 2 (sur les 39 existantes) ont été accordées par Bruxelles. Cela force les grandes banques, ou fonds d’investissement basés à Londres, à ouvrir des filiales dans l’Union. Les destinations préférées sont Dublin, Francfort, Luxembourg et Paris, mais ces délocalisations restent marginales, ne représentant pas plus de 10.000 emplois.

● Nouveau paradigme pour le transport

Les mots d’ordre de l’accord de retrait pour les connectivités aériennes, routières, ferroviaires et maritimes sont «continuité et durabilité». Si le chaos est évité, cela ne fonctionnera pas comme avant. Pour les touristes traversant le tunnel de la Manche, attention d’avoir un permis de conduire international car les permis de conduire ne sont plus automatiquement reconnus. Les vols Londres-Paris seront maintenus, mais les compagnies aériennes britanniques ne pourront plus faire de cabotage (vols avec escale comme Londres-Paris-Rome).

● Fin de la libre circulation

La libre circulation des Européens au Royaume-Uni (et réciproquement) se termine le 1er janvier. Une carte d’identité sera suffisante les premiers mois mais, à partir d’octobre 2021, les Européens devront présenter leur passeport lors des contrôles des douanes. Pour tout séjour de plus de trois mois, il faudra faire une demande de visa.

● Les animaux de compagnie passés à la loupe

Pour se rendre en Angleterre avec son chien, chat ou poisson rouge, le passeport européen pour les animaux de compagnie ne sera plus reconnu. Cependant, les règles ne changeront pas immédiatement. Dans le sens inverse, néanmoins, la procédure sera plus compliquée. Les propriétaires devront notamment se procurer un certificat de bonne santé, dix jours avant le voyage et entrer dans l’UE par certains points établis à l’avance.

Un système à points pour les expatriés européens

Pour les 4,2 millions de ressortissants européens installés outre-Manche avant le 31 décembre 2020, pas d’inquiétude. Leurs droits sont protégés. Pour ceux désireux d’immigrer au Royaume-Uni à partir de janvier 2021, il faudra affronter une politique d’immigration plus stricte. Ils seront sujets à un nouveau système à points dans lequel l’âge, la maîtrise de l’anglais, le niveau d’études seront pris en compte pour obtenir un visa, valable cinq années. S’y ajoute l’obligation d’avoir une offre d’emploi avec un salaire d’au moins 26.500 livres (29.500 euros), qui rend désormais impossible de se lancer à l’aventure en vivant de petits boulots.

Cardiff rayée de la liste des destinations Erasmus

Clap de fin pour les 32.000 étudiants européens qui, chaque année, intègrent temporairement les universités britanniques grâce au programme Erasmus. Pour les étudiants français, c’est leur troisième destination préférée qui est rayée de la liste. Le Royaume-Uni a décidé de sortir du programme d’échange d’étudiants, invoquant des questions de coût et annonçant un programme mondial pour le remplacer. Quant à ceux qui veulent étudier au Royaume-Uni, hors Erasmus, le changement de statut supposera une forte augmentation des frais de scolarité.

La fin du «roaming»

Autre conséquence du Brexit. Le droit des consommateurs européens à l’itinérance aux tarifs nationaux ne sera pas garanti, et les opérateurs mobiles britanniques pourront donc facturer des frais supplémentaires aux clients européens en itinérance. Et vice-versa pour les Britanniques en Europe.

Une coopération sécuritaire limitée

L’accord prévoit un échange des informations classifiées et la coopération dans la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité transfrontalière. Pour la politique étrangère, la sécurité extérieure et la coopération en matière de défense ou de développement, Boris Johnson a choisi de les exclure de l’accord.