Mauvaise nouvelle pour le football français : sa principale manne financière s’est tarie. Après Canal+, BeIN a suspendu à son tour le paiement des droits TV des compétitions françaises, après leur interruption pour cause de coronavirus.

Le patron du groupe qatari l’a annoncé dans un courrier à la Ligue de football professionnel, consulté mercredi par l’AFP. “Notre groupe a pris la décision de procéder à la suspension des prochains paiements prévus par notre accord et ce, jusqu’à ce que les championnats des ligues 1 et 2 puissent reprendre selon un calendrier permettant leur diffusion normale auprès de nos abonnés”, annonce dans cette lettre Yousef Al-Obaidly.

BeIN devait honorer un versement de 42 millions d’euros le dimanche 5 avril. La Ligue, sollicitée mercredi soir par l’AFP, a indiqué qu’elle “confirme le courrier de BeIN” mais ne fait “pas d’autres commentaires” à ce stade.

L’autre diffuseur de la Ligue 1, Canal+, avait lancé la première offensive en informant la Ligue de football professionnel (LFP) qu’il n’honorerait pas son prochain versement. Soit 110 millions d’euros, ou 15% du montant annuel total, initialement attendus par les clubs de l’élite, bénéficiaires principaux de ce versement, qui aurait également du intervenir dimanche.

BeIN explique avoir “principalement en considération l’absence totale de visibilité réelle sur la reprise effective des matches de la saison en cours, qui vient d’être aggravée par la décision de maintenir le confinement pour une durée supplémentaire de quinze jours”.

36% des recettes des clubs de L1

Notre groupe et particulièrement ses chaînes de diffusion d’évènements sportifs majeurs ne sont pas épargnés par les graves conséquences de la crise sanitaire, à laquelle tous les opérateurs économiques sont d’ailleurs confrontés“, explique Yousef Al-Obaidly.

Le patron du groupe de médias indique cependant à la LFP qu’il est à sa disposition pour “discuter” des “mesures de sauvegarde mises en place par la Ligue pour la continuation du championnat en cours et la reprise de la prochaine saison“. Selon une source proche, le groupe n’envisage pas pour l’instant de rembourser partiellement ses abonnés, mais “suit de près la situation”.

Les droits TV, qui représentaient près de 36% des recettes des clubs de L1 pendant la saison 2018-2019, sont de loin leur plus grande source de revenus, selon le rapport de la DNCG, le gendarme financier du football français. Un autre versement était attendu pour début juin de la part de Canal+ et BeIN. “En cas de force majeure, lorsque les matches ne sont plus livrés, les paiements sont suspendus“, avait expliqué la direction de la chaîne cryptée auprès de l’AFP lundi. “Là, on est en plein cas de force majeure (…) On applique strictement le contrat et on ne voit pas pourquoi on ferait autrement : Canal+ n’est pas une banque.”

Séisme économique

La direction de la chaîne du groupe Vivendi a évoqué “potentiellement” une renégociation des dernières échéances, et ce une fois connues “la date et les modalités de la reprise” des championnats.

La LFP a insisté de son côté sur le fait que Canal+ n’avait pour le moment réglé que deux tiers du montant total du contrat, alors que près de trois-quarts des matches ont déjà été disputés, soit un écart de 43 millions d’euros. La saison 2020-2021 devait pourtant marquer une explosion des droits télévisés, qui ont dépassé le milliard d’euros annuel pour la première fois avec l’arrivée sur le marché du groupe Mediapro, diffuseur majoritaire pour la période 2020-2024.

Mais tant que la fin de saison 2019-2020 n’est pas reprogrammée, le calendrier de la saison prochaine est, lui aussi, en suspens.

En parallèle de la crise sanitaire, la suspension des droits TV provoque un séisme économique dans les championnats du monde entier. En Italie et en Allemagne, les experts ont évalué les pertes totales (droits TV plus billetterie) à plus de 700 millions d’euros. Le président de la Ligue allemande, Christian Seifert, a prévenu mardi que si la saison 2019-2020 n’allait pas à son terme d’ici l’été, certains clubs d’outre-Rhin feraient face à une “menace existentielle” dès le mois de juin.