La plus haute juridiction a retoqué l’isolement prolongé des malades, sans intervention d’un juge, et le large accès au dispositif de traçage de leurs contacts.

Le Conseil constitutionnel a validé, lundi 11 mai, l’essentiel de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire adoptée par le Parlement samedi 9 mai. Il avait été saisi par le président de la République, Emmanuel Macron, le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que par plus de 60 députés et 60 sénateurs, essentiellement des rangs de la gauche.

En dehors de réserves d’interprétation sur quelques points du texte de loi, les juges constitutionnels ont censuré les modalités de mise en quarantaine et de placement en isolement ainsi que, pour les organismes chargés de l’accompagnement social, l’accès aux données du système d’information destiné au « traçage » des personnes atteintes par le Covid-19.

Le Conseil constitutionnel, qui n’avait pas eu à se prononcer sur la loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire, n’a soulevé d’office aucune question de conformité à la Constitution en dehors des dispositions dont il avait été saisi. Il a ainsi écarté, de fait, les observations qui avaient pu être portées par des associations ou organisations agissant en défense des libertés individuelles, telles que la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature ou le Syndicat des avocats de France, qui contestaient les dispositions étendant les pouvoirs de police sanitaire du premier ministre, telles la fermeture ou la réglementation de l’ouverture de lieux de réunion ou la limitation de rassemblements à des groupes de 10 personnes au maximum.

La quarantaine obligatoire de personnes venant de l’étranger ou arrivant en Corse censurée
Contestées, également, les dispositions concernant les mises en quarantaine ou en isolement des personnes entrant sur le territoire national ou arrivant en Corse ou dans une collectivité d’outre-mer, sans intervention du juge judiciaire, pour une durée de quatorze jours renouvelable au maximum un mois. Le Conseil a jugé qu’elles constituaient « des mesures privatives de liberté » et les a censurées. Il a rappelé que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le régime juridique mis en œuvre par la loi du 23 mars et qui devait subsister, au plus tard, jusqu’au 1er juin, est ainsi censuré.

C’est sans doute l’article 6 de la loi, créant un système d’information aux fins de lutter contre l’épidémie de Covid-19, qui était le plus controversé. Pour ses opposants, il pose des problèmes d’éthique par rapport au secret médical et de respect de la vie privée. Pour les juges constitutionnels, ce système « poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ». En assortissant toutefois cette décision d’une réserve d’interprétation et d’une restriction concernant le champ des personnes susceptibles d’avoir accès à ces données sans le consentement de l’intéressé. Les organismes qui assurent l’accompagnement social de ces personnes ne pourront y accéder.

Le Conseil s’est assuré que les données extraites de ces futurs fichiers et utilisés pour le suivi épidémiologique et la recherche sur le Covid-19 seraient expurgées des informations de contact (e-mail, numéro de téléphone) des personnes inscrites dans ce fichier. Le Parlement n’avait prévu que la suppression des nom, prénom et adresse notamment.

Enfin, le très contesté article 1er du texte, visant à renforcer la protection juridique des élus dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ne pouvait échapper au regard des juges constitutionnels. Pour le Conseil constitutionnel, « les dispositions contestées ne diffèrent pas de celles de droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle ».

En clair, cet article qui a suscité tant de débats et de controverses politiques ne fait que rappeler le droit commun. Il n’ajoute pas grand-chose et s’applique de la même manière aux élus et à tout autre décideur, sinon il aurait été entaché d’une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi pénale.